Il y a dix ans, après soixante-treize années d'existence et autant de cérémonies, le microcosme hollywoodien était secoué par deux Oscars historiques. Denzel Washington (Training day) devenait le deuxième acteur afro-américain seulement sacré dans un premier rôle, tandis qu'Halle Berry (À l'ombre de la haine) entrait dans l'histoire comme la toute première femme à recevoir la statuette dorée.
À quelques jours de la cérémonie des Oscars 2012, cette modernité toute relative est de nouveau sur le devant de la scène et se précise en coulisses avec une étude menée par The Los Angeles Times sur les membres de l'Académie - ceux-là même qui sélectionnent et couronnent les meilleurs films et artistes de l'année. Sur 5 765 membres, 94% sont de type caucasien, 77% dont des hommes, 98% sont âgés de plus 40 ans et 86%, de plus de 50 ans. La suite confirme la tendance, avec seulement 2% d'Afro-Américains et 2% de Latinos-Américains.
En dehors des quelque 1 500 acteurs et réalisateurs, la majorité des membres sont des techniciens et des attachés de presse que certains journalistes américains décrivent comme des "mangeurs de steaks" - à savoir des vieux mâles carnivores et allergiques au cinéma d'auteur. Une information qui explique en partie la victoire de Rocky sur Taxi Driver, de Shakespare in Love sur Il faut sauver le soldat Ryan et La Ligne rouge, du Discours d'un roi sur The Social Network.
Le président de l'Académie, Tom Sherak, est le premier à signaler ce manque de diversité et expliquait au Los Angeles Times : "J'espère que votre article sera publié et que nous recevrons 7000 appels ici. Nous avons essayé de joindre les électeurs et nous cherchons de l'aide. Vous voulez être dans un comité ? Dites-nous lequel. Si vous êtes assis à attendre que nous trouvions votre nom dans un livre magique pour vous appeler, ça n'arrivera pas. Venez à nous, nous vous ferons entrer. Nous vous voulons. Cela nous aiderait beaucoup." Moins optimiste, son collègue Phil Alden Robinson constate avant tout la discrimination qui règne à Hollywood : "Si l'industrie entière a du mal à s'ouvrir, il est très difficile pour nous de diversifier les membres."
Parfait reflet du cinéma américain mainstream, l'Académie des Oscars est dominée par les hommes blancs et vieux, établis dans le paysage hollywoodien depuis plusieurs décennies. Récemment, la comédienne Alfre Woodard - nommée en second rôle pour Cross Creek - expliquait que certains films moins ordinaires souffraient de ce manque de diversité : "Peut-être que si la moyenne d'âges était de 45 à 50 ans, un film comme Shame pourrait avoir sa place, car j'ai pensé que c'était un film brillant mais un sujet qu'on ne s'attend pas à être reçu par une certaine tranche d'âge."
Dans le même mouvement, l'hommage au cinéma hollywoodien The Artist se retrouve grand favori - Jean Reno laisse déjà entendre qu'il votera pour le film français -, loin devant le polar ultra-violent Millénium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, tandis que Meryl Streep décroche une dix-septième nomination.
Halle Berry, Michael Douglas, Jennifer Lopez, Cameron Diaz, Milla Jovovich, Angelina Jolie, Tom Hanks, Bradley Cooper, Emma Stone, Chris Rock, Ben Stiller, Rose Byrne, Maya Rudolph, Kristen Wiig, Melissa McCarthy et Penélope Cruz sont annoncés comme présentateurs pour la cérémonie qui se déroulera le 26 février.
Geoffrey Crété