Le grand ménage façon Vincent Bolloré se poursuit... Après avoir fait tomber les têtes des hauts dirigeants de Canal+ à l'été 2015 et avoir rendu très confidentielle la nouvelle version des Guignols de l'info, la dernière victime du PDG du groupe Bolloré, également président des conseils de surveillance de Vivendi et Canal+, s'appelle... Pascal Nègre !
Son départ, annoncé jeudi 18 février, a ému bon nombre d'artistes qui s'étaient pris d'affection pour ce passionné de musique et qui lui doivent - pour certains - toute leur carrière. D'autant que la maison de disques affiche un bilan record en 2015 avec une part de marché de 45% grâce aux cartons dans les bacs d'artistes comme Kendji Girac, Louane Emera ou Stromae.
PDG d'Universal Music France (ex-Polygram), société filiale de Vivendi, Pascal Nègre a contribué à l'ascension de plusieurs centaines d'artistes signés chez les différents labels du groupe d'édition phonographique. Les artistes issus des télé-crochets The Voice (Kendji Girac, Fréro Delavega...) ou Star Academy (Jenifer, Nolwenn Leroy, Grégory Lemarchal, Elodie Frégé...), c'est lui. Alain Bashung, Noir Désir, Zazie, Florent Pagny ou encore Calogero lui doivent le développement de leur carrière. Pendant 15 ans, il s'est démené pour limiter au maximum l'impact sur le marché du disque de l'arrivée du téléchargement illégal et des plateformes de peer 2 peer. C'est également lui qui était en charge de superviser, sur le territoire français, les carrières des grosses stars internationales d'Universal, de Lady Gaga à U2 en passant par les Black Eyed Peas. La fin d'une ère !
C'est comme DJ que Pascal Nègre avait débuté, avant de devenir animateur de radios libres... Son aventure en maison de disques commence au poste d'attaché de presse. Il gravit peu à peu les échelons en devenant directeur de la promotion. En 1990, il est nommé directeur général du label Barclay, entité du groupe Universal. C'est quatre ans plus tard qu'il deviendra PDG d'Universal Music France.
Le profit, c'est le prix de ma liberté.
Comme l'expliquent nos confrères du Figaro, c'est l'incompatibilité entre les ordres de Vincent Bolloré et la façon de travailler de Pascal Nègre qui ont poussé le premier à se séparer du second. "(Pascal) est trop attaché à sa liberté de manoeuvre. (...) L'homme d'affaires breton est soucieux de connaître le moindre détail de l'activité (...) d'Universal Music", écrit Enguérand Renault dans le quotidien daté du samedi 20 février. A sa succession, c'est Olivier Nusse (à qui l'on doit l'ascension de Louane) qui a été nommé.
Pascal Nègre pensait que ses excellents résultats le protègeraient. A tort. "La règle est claire. Les actionnaires veulent du profit. La filiale que je dirige doit leur donner du profit", lançait-il en 2003, avec pragmatisme. Et d'ajouter : "Le profit, c'est le prix de ma liberté." Ce ne fut visiblement pas suffisant.
En vingt-deux ans à la tête d'Universal Music France, Pascal Nègre a noué de solides liens d'affection avec les artistes qu'il avait sous sa responsabilité. Il les bichonnait, redoublant même de délicates attentions, dès que l'occasion se présentait. Mais surtout, ceux-ci avaient terriblement confiance en lui et en son professionnalisme !
Pascal Nègre dispose donc d'un solide carnet d'adresses de gros artistes - essentiellement francophones. Qu'il pourrait embarquer avec lui dans une nouvelle aventure musicale ? Le Figaro cite par exemple Mylène Farmer, Stromae, Florent Pagny, Marc Lavoine ou Calogero comme susceptibles de quitter la célèbre major pour rejoindre Pascal Nègre, qui, même à 54 ans, en a encore sous le capot, dans la construction d'un nouveau label. "Je m'en fous, je suis libre !", nargue le professionnel de la musique, préparant sa contre-attaque.
Selon nos informations, Eddy Mitchell ou Carla Bruni feraient également partie de ses alliés les plus solides et seraient sous le choc du départ de ce grand professionnel. Avec cette décision de Bolloré, l'éclatement du parc d'artistes qui constituait l'ADN d'Universal Music France semble inévitable.
Joachim Ohnona