Aurait-il attendu d'atteindre le cap fatidique des noces de chêne avant de s'éteindre paisiblement ? La nouvelle a en tout cas bouleversé le monde de l'art ce mercredi. Alors qu'il aurait fêté ses 103 ans en décembre prochain, l'immense peintre Pierre Soulages est décédé à Nîmes entouré de ses proches.
"C'est une triste nouvelle, je viens de raccrocher avec sa veuve, Colette Soulages", a expliqué son ami Alfred Pacquement, directeur du musée qui porte son nom à Rodez, sa ville natale. Une veuve qui va désormais devoir vivre sans celui qu'elle avait épousé le 24 octobre 1942, il y a exactement quatre-vingt ans, en pleine guerre mondiale, alors que tous les deux étaient en pleines études d'art à Montpellier.
Une histoire d'amour toujours liée à la peinture, puisque jusqu'au bout de sa vie, l'artiste n'a jamais cessé d'être actif dans le milieu de la peinture. D'ailleurs, il faisait partie des plus grands noms de l'art encore vivants, et avait atteint le club très fermé des artistes vendant des toiles à plus de 10 millions d'euros.
Et les musées ne s'y étaient pas trompés : il y a presque trois ans, à l'occasion de ses cent ans, le peintre avait été honoré d'une exposition au Louvre, devenant ainsi l'un des trois seuls artistes vivants à avoir obtenu sa rétrospective un jour (avec Chagall et Picasso). Dix ans plus tôt, en 2009, c'est le musée George Pompidou qui avait offert à cet amoureux de l'art abstrait une exposition à son nom.
Aujourd'hui, plus de 500 oeuvres de ce grand nom de l'art abstrait sont situées dans le musée qui porte son nom et que l'on peut trouver à Rodez. A son ouverture en 2014, l'artiste avait en effet fait deux dons massifs de ses toiles, qu'il a complétés en 2021. Lors de l'inauguration, François Hollande avait notamment fait le déplacement et lui avait rendu hommage dans un discours très touchant devant l'un de ses grands tableaux.
"Pierre Soulages, vous êtes - je sais que je vais heurter votre modestie - le peintre vivant aujourd'hui le plus exceptionnel", avait déclaré le président. "Rodez, vous y êtes né, c'était hier, il y a 94 ans (...) Rodez, vous lui faites le plus beau des cadeaux avec vos oeuvres, votre adhésion (au projet de musée Soulages, longtemps rejeté, ndlr) ainsi que celle de Colette, car vous êtes toujours deux à décider". Sa veuve, justement, pourra désormais s'occuper du musée, bien que le choc ait dû être rude.