Jeudi 23 février à la gare du Nord. Un TGV doit partir à 13h16 pour Lille, mais sur le quai, c'est la pagaille. Nicolas Sarkozy et toute son équipe de campagne sont présents. Ils sont attendus le soir même dans le fief de Martine Aubry pour un grand meeting. Les journalistes s'agitent, le train prend du retard et n'entame son court périple qu'à 13h30. Aux côtés du président, l'héroïne de la précédente campagne : Rachida Dati.
Aux journalistes qui s'étonnent de la voir au côté du candidat-président, l'eurodéputée répète ce qu'elle a toujours dit : "Je n'ai jamais eu de difficultés avec le président, vous le savez bien." Les difficultés que rencontre Rachida Dati viennent de François Fillon qui a l'outrecuidance de s'autoparachuter dans la circonscription de sa consoeur pour les prochaines élections législatives. Maire du 7e arrondissement de Paris, elle tient à cette 2e circonscription qui regroupe une partie de son arrondissement, une partie du 6e et le 5e. Mais, Rachida Dati n'est pas à Lille pour débattre de ce bras de fer.
Après la visite d'un centre d'apprentissage à Tourcoing, Nicolas Sarkozy a donné un grand meeting à Lille. 10 000 personnes sont réunies au Grand Palais qui a fait salle comble. Les militants ont d'abord du mal à y croire, mais c'est bien Rachida Dati qui monte à la tribune. L'ancienne garde des Sceaux est longuement applaudie à son arrivée. D'autant qu'elle remplit son job à merveille, parlant une dizaine de minutes d'une "France forte où tout doit rester possible, quelles que soient votre condition ou votre origine. (...) Ici on n'a pas peur, la France forte, c'est vous ! Je vous ressemble !". Nos confrères de Libération n'ont pas manqué de souligner un inévitable taquet à Martine Aubry : "Le temps est venu de mettre fin aux 35 heures." Ce petit discours d'une dizaine de minutes, peu de gens y croyaient, mais c'est le président qui l'a décidé, note Xavier Bertrand, également présent. Nicolas Sarkozy affiche sa volonté de réunir, de rassembler, et Rachida Dati est de loin l'une des personnalités de droite les plus populaires. Rachida est accompagnée de sa proche conseillère, Emmanuelle Dauvergne, élue UMP au Conseil de Paris, qui déclare à la foule : "Rachida Dati est pleinement engagée pour la réélection de Nicolas Sarkozy. Sa popularité est intacte." Elle a raison. Facétieuse, la maire du 7e arrondissement a sans doute voulu faire un clin d'oeil de "fashionista" à ses nombreux détracteurs de l'époque qui l'accusaient d'être bling bling : vêtue d'un simple jean et d'une veste sombre, elle était juchée sur des bottines à talons rouge vif, qui ont fait leur effet quand elle est arrivée à la tribune ! Toujours miss Chic et Choc, Rachida ! Pour précision, a contrario de ce qui a pu être écrit ici et là, ce n'est non pas Christian Louboutin, mais le chausseur vendéen Guy Rautureau qui fabrique ces bottines !
Dans le train du retour, Nicolas Sarkozy papote avec les journalistes. Il n'hésite d'ailleurs pas à dire que les socialistes voulaient Dominique Strauss-Kahn comme candidat et pas François Hollande. Le président dit surtout quelques mots sur Rachida Dati : "À partir du moment où elle veut m'aider, je ne vois pas pourquoi elle n'aurait pas une place pour le faire. (...) Je suis content qu'elle soit là, mais il n'y a pas de poste dans le dispositif de campagne." Ça tombe bien, elle n'a rien demandé.
Rachida Dati a, de plus, une alliée de poids, comme le révèle Le Figaro. Il s'agit d'Emmanuelle Mignon, celle qui pilote à nouveau les opérations, à côté du nouveau directeur de campagne, Guillaume Lambert. Emmanuelle Mignon est dithyrambique quand elle évoque la député européenne qu'elle a rencontrée à l'époque où Nicolas Sarkozy était place Beauveau. "Elle a un punch incroyable, de l'audace, du courage, une vraie personnalité, déclare Emmanuelle Mignon. Je l'ai toujours soutenue, car elle incarne l'espérance auprès des gens peu visibles et qui réalisent le chemin possible à parcourir pour être ministre de la Justice ou faire de la politique"...
Depuis qu'elle a quitté son poste de garde des Sceaux, Nicolas Sarkozy avait pris ses distances avec Rachida Dati. Mais ils se sont revus - d'abord à l'Élysée, écrit Le Monde, puis le 20 février au siège de campagne du président - avant cette intervention remarquée et ovationnée au meeting de Lille.