On ne parle que de lui, et pourtant, il devait hier soir s'incliner devant son vénérable aïeul, hors tatami : héros attendu des Mondiaux de judo 2011 qui s'ouvrent mardi 23 août à Paris-Bercy, Teddy Riner assistait dimanche soir à une énième consécration de son prédécesseur poids lourd, David Douillet, désigné meilleur judoka de l'histoire.
Réunie à l'Opéra Garnier, à Paris, capitale mondiale éphémère du judo, la Fédération internationale a célébré le soixantième anniversaire de sa fondation en décorant quelques-unes de ses idoles. Le néo-secrétaire d'Etat (en charge des Français expatriés) David Douillet, 42 ans, s'est vu désigner meilleur judoka de l'histoire en présence de ses pairs et de Teddy Riner, en passe de le surclasser au palmarès du haut de ses 22 ans. Douillet, quadruple champion du monde et double champion olympique, est associé dans la légende par la Fédération à la Japonaise Ryoko Tani (anciennement Rokyo Tamura), également deux fois médaillée d'or aux Jeux Olympiques et septuple championne du monde. Sa compatriote Yoshie Ueno a été nommé meilleure judoka actuelle, au côté de l'Ouzbek Rishod Sobirov - à Teddy Riner de jouer pour le détrôner dans l'estime de la Fédération.
A 22 ans, le massif Guadeloupéen à la corpulence impressionnante (2m04 pour près de 140 kilos) domine les débats chez les lourds, avec déjà quatre titres mondiaux à son palmarès (trois en +100kg, un en toutes catégories), et chassera l'an prochain à Londres l'or olympique qui lui échappa à Pékin en 2008, olympiades synonymes de bronze et de larmes pour lui. Sur la route de Londres 2012, le voici au rendez-vous des Mondiaux 2011 pour tenter de conserver sa couronne, confirmer sa suprématie et établir une performance inédite dans l'histoire du judo avec un cinquième sacre. De quoi expliquer en partie (l'autre partie étant simplement le charisme du bonhomme) l'engouement des annonceurs, que relève Le Parisien dans son édition de ce lundi : outre les émoluments émanant de son club de Levallois-Perret, Adidas, Brossard, Atos Consulting, Cofely et dernièrement Powerade, qui lui a fait tourner une publicité qui sera diffusée à partir de l'automne des deux côtés de la Manche jusqu'aux JO, l'épaulent financièrement à hauteur de 700 000 euros. De quoi se préparer sereinement, une fois les engagements vis-à-vis des partenaires honorés.
Avec les Mondiaux qui s'ouvrent, Teddy Riner est de toutes les interviews. Un bain médiatique avant d'entrer au dojo qui contraste avec les petites recettes de préparation mentale que le judoka dévoile, notamment dans les colonnes du Parisien. Où l'on apprend par exemple que, comme on a pu le constater rien qu'en l'observant au bord du tatami, la musique occupe une place importante. Et qu'y a-t-il dans le casque de ce grand garçon ? Pas forcément ce que l'on croit : "Zouk, R'n'B, hip-hop, classique... Il m'est même arrivé lors d'un Tournoi de Paris d'avoir Garou et Céline Dion dans les oreilles (rires)."
Plus difficile à apporter dans le dojo, mais essentiel la veille d'une grande échéance : une séance ciné de costaud. Pour Paris 2011, ce sera "un film de guerre. Par le passé, j'avais misé sur 300 ou Rocky. Ces films me permettent de me préparer psychologiquement. J'enfile alors ma tenue de guerrier. J'ai l'impression de partir à la guerre." Avec, comme dans certains films de guerre, des petits rituels, tel le port de la ceinture obligatoire : celle que lui donna son ancien entraîneur Serge Dyot pour le dépanner un jour qu'il avait oublié la sienne, qui l'accompagna dans la conquête d'une "première grosse médaille" et ne le quitte plus depuis. On attend de le voir au front dans les jours à venir, à domicile. "Combattre à Paris, dans ma ville, devant mon public, ma famille, mes amis, c'est quelque chose d'énorme. Lorsque tu rentres dans l'arène de Bercy avant de combattre, que tu entends les spetateurs hurler, c'est à la fois effrayant et magnifique. J'ai beau avoir mon casque sur les oreilles, je capte tout et ça me transporte."
Au-delà du combat, Teddy cultive les plaisirs simples : "Je vais au cinéma avec ma copine, j'emmène ma maman faire ses courses. Il m'arrive d'aller en boîte..." Et des aspirations idoines : "Une femme, des enfants que j'accompagnerai chaque matin à l'école. Une petite baraque, une vie paisible. Ça, c'est mon idéal." Pas une reconversion à la Douillet, donc, qu'il a tout le temps de surclasser dans la discipline qui a fait d'eux des rois...
G.J.