Le 12 août 2020, Julie Mathieu, rédactrice en chef des magazines Fou de Pâtisserie et Fou de Cuisine, et sa consoeur Muriel Tallandier ont affirmé sur Instagram qu'un "jeune chef, bien connu de la foodosphere parisienne, serait coupable de harcèlement et d'agressions sexuelles sur plusieurs femmes travaillant pour lui ou évoluant dans le milieu de la gastronomie." Elles ont récolté des témoignages, dont celui d'une dénommée Bonny Peter (qu'elles ont mentionnée). Celle-ci a raconté son agression et donne des indices sur le chef accusé. Un autre témoignage, concernant un ex-candidat de Top Chef refait lui surface. On fait le point.
Depuis la publication Instagram de Julie Mathieu et Muriel Tallandier tout le monde cherche l'identité du chef qui se trouve au coeur de ces accusations. De nombreux abonnés ont regretté qu'elle ne soit pas révélée, d'autres ont accusé au hasard de célèbres cuisiniers, n'ayant que faire de la présomption d'innocence. Enfin, certains ont pensé avoir trouvé qui il était suite au témoignage de Bonny Peter.
Sur son compte Instagram, la jeune femme raconte, en anglais, ce qui lui est arrivé. Elle explique que le 8 juillet 2019, le fameux chef est venu dans sa chambre alors qu'elle dormait et a tenté d'entrer dans son lit pour l'agresser sexuellement. Elle réussit alors à le faire sortir, s'endort à nouveau quand soudain il revient à l'attaque. Elle hurle d'arrêter et elle crie si fort que la personne qui se trouve dans la chambre voisine débarque et fait sortir l'agresseur. Elle qui déclare avoir échappé à un viol donne alors deux informations : il est marié et il est papa.
Un jour, elle a voulu se confronter à lui, le chef aurait répété à plusieurs reprises qu'il était désolé mais, pour elle, il ne l'était pas. Au final, Bonny Peter a fait une dépression pendant huit mois. Elle a tout quitté avec son petit ami et est partie vivre ailleurs. Elle a débuté une thérapie et ne cache pas avoir eu des pensées suicidaires. Elle avait 25 ans, lui 38. En commentaire de toutes ces explications, elle a expliqué pourquoi elle ne dévoilait pas son identité. Elle a peur de lui, de son influence et craint d'être accusée de diffamation.
Mais revenons à la publication initiale de Julie Mathieu. Parmi les commentaires, un internaute à inviter les autres abonnés à lire une interview de Céline Pham, l'une des cuisinières les plus talentueuses de sa génération. Son nom est également cité par le site Foodandsens, qui, en traitant de l'affaire écrit : "Des cas de harcèlement et d'agressions sexuelles ont été dénoncés, notamment par des grandes cheffes comme Céline Pham." Place donc à la lecture de cette interview accordée à Vanity Fair. Elle date de juin 2019 et retrace le parcours de la cheffe et de son frère Julien. Au milieu de ce long article, on découvre en effet le témoignage de Céline Pham. Elle raconte qu'en 2010, au sein du restaurant gastronomique du chef William Ledeuil, "le second de cuisine italien de l'époque a les mains lourdement baladeuses". La cuisinière se plaint à l'homme qui s'en fiche et qui "finit par la coincer et l'agresser dans la chambre froide". Céline Pham prévient alors William Ledeuil qui propose une confrontation entre les deux (et à la jeune femme "de rejoindre son autre adresse tout en maintenant son lieutenant en poste"). Elle refuse pour une raison qui se comprend : "Il m'appelait chez moi pour m'effrayer en disant des choses odieuses. J'avais peur, j'étais seule, je ne me suis pas sentie soutenue par ma direction. Comment imaginer qu'une confrontation était la solution ? Il aurait fallu agir et sanctionner." Le reproche est fait.
Vanity Fair conclut sur ce passage avec une information : "Passé par l'émission Top Chef, l'ancien adjoint gère aujourd'hui deux tables à Paris et collectionne des dizaines de milliers d'abonnés sur Instagram." Mais impossible de relier ce chef à celui mis en cause par Julie Mathieu, Muriel Tallandier et Bonny Peter.
Pour rappel, le 12 août 2020, Julie Mathieu avait posté le message suivant, c'est par lui que tout a débuté : "JE ME LÈVE ET JE ME CASSE. Il y a quelques semaines nous avons été effarées d'entendre qu'un jeune chef, bien connu de la foodosphere parisienne, serait coupable de harcèlements et d'agressions sexuels sur plusieurs femmes travaillant pour lui ou évoluant dans le milieu de la gastronomie. Nous n'y avons pas cru, tant l'estime pour l'homme, le respect pour le cuisinier et le plaisir à manger dans ses restaurants le plaçait certainement à nos yeux bien loin de tout ça. Nous avons pris le temps de recouper les informations, de recevoir et de lire différents témoignages. Mais les faits semblent malheureusement se confirmer aujourd'hui, et même se révéler un peu plus chaque jour. Les langues se délient, le courage progresse au sein des victimes, à l'image du témoignage de @bonnyclea. Et la nausée nous monte à la gorge... Depuis plusieurs jours nous nous demandons quoi faire. Par respect pour la parole des victimes, le travail de la justice et ce qu'il reste de la présomption d'innocence, et parce que nous sommes fondamentalement contre les tribunaux populaires, nous ne dirons pas son nom. Cependant, et en attendant que la justice se prononce, en tant que professionnelles nous prenons la décision de ne plus parler de ce chef dans les magazines que nous dirigeons @juliefoodforlove & @mu.tall , sur nos réseaux sociaux et de ne plus participer à une manifestation où il sera invité. En tant que citoyennes, nous décidons de ne plus aller manger dans ses restaurants. Et en tant que femmes, nous disons aux victimes qu'elles ne sont pas seules, que nous les écoutons, les entendons, que nous les soutenons, qu'elles ne sont pas responsables et que nous nous battrons à leurs côtés pour dénoncer et faire condamner ces agissements inacceptables, ici comme ailleurs, comme partout dans notre société. Le milieu de la cuisine et de la gastronomie n'est pas un monde à part. Cette violence doit cesser et les agissements de cet homme doivent être condamnés."