Jamais, depuis le drame du 31 août 1997, les princes William et Harry n'avaient encore évoqué aussi médiatiquement leurs sentiments et leur détresse suite à la mort de leur mère la princesse Diana. Son absence, son souvenir, la perpétuation de ses combats, oui ; mais la douleur qu'elle leur ait été arrachée, non. Cette semaine, les deux frères, qui ont toujours cultivé une certaine aversion envers ce monde des médias considéré comme un agent toxique de leur jeunesse, se sont ouverts de manière inédite dans le cadre de leur croisade en faveur de la santé mentale. Une stratégie qui atteint son point culminant dans une nouvelle vidéo enregistrée pour leur campagne Heads Together et dévoilée ce 21 avril 2017, à 48 heures du marathon de Londres où l'organisation sera mise à l'honneur.
Voilà des jours que William, son épouse la duchesse Catherine de Cambridge et le prince Harry soutiennent en particulier l'opération Ok To Say, en vue d'encourager les personnes souffrant de troubles mentaux à parler de leurs problèmes sans avoir peur d'être stigmatisées. Quel moyen plus pertinent et percutant que de donner l'exemple ? Le prince Harry, en véritable "héros", est celui qui s'est le plus illustré en livrant un témoignage bouleversant sur les deux ans de "chaos total" qu'il a vécu et la thérapie qu'il a suivie après la mort de Lady Di. William a également évoqué avec une émotion difficile à contenir cette tragédie personnelle lors d'une ses missions. Quant à Kate, elle ne cache pas combien le fait de devenir mère peut être difficile à gérer et conduire à un éprouvant isolement.
Harry et moi n'avons pas assez parlé ensemble de notre mère, durant toutes ces années...
Dans la dernière vidéo en date de Heads Together, le public assiste à une conversation entre Kate, William et Harry, dans les jardins du palais de Kensington. Car une simple conversation peut changer une vie, tel est leur message, et le trio applique cette thérapie, cette "médecine". La séquence, longue de près de 7 minutes, a été enregistrée mercredi 19 avril, en marge de la réception par la duchesse des coureurs de l'équipe Heads Together engagés dans le marathon de Londres qui sera disputé dimanche. Rapidement, Harry, à la suite de son aîné, pointe du doigt la pression qui pèse sur les jeunes et cette impression que la vie des autres est parfaite qui peut inhiber la parole. Le duc et la duchesse de Cambridge, eux, se remémorent leurs premières semaines après la naissance du prince George et leur "courbe d'apprentissage brutale" du métier de parents ; William répète au passage une confidence qu'il a déjà faite sur la manière dont le fait d'être père a changé les perspectives de sa vie et influé sur sa sensibilité au monde qui l'entoure. "Je croyais que je tenais plutôt bien le cap, mais en fait je ressens beaucoup plus les choses qu'avant", dit-il, soulignant que le travail de la cellule psychologique de l'organisme pour lequel il pilote des hélicoptères ambulances est précieuse face aux drames familiaux auxquels il est confronté quotidiennement. Harry, lui, partage son expérience de terrain auprès des vétérans de guerre. Chacun écoute l'autre, réagit, conseille...
La conversation prend alors un tour encore plus intime, Harry abordant avec William le sujet de la disparition de leur mère Diana. "Tous les deux, nous sommes très ouverts l'un avec l'autre. Nous n'avons jamais vraiment parlé de ce que c'est que de perdre sa maman à un si jeune âge, dit le cadet, et quand on parle à des gens d'autres familles, des parents, de jeunes enfants, on se dit "ouah, je n'ai pas envie qu'ils vivent la même chose". Avec un petit peu d'expérience, on a envie d'aider autant qu'on peut et essayer de leur donner la force de parler. D'avoir le courage, pour leur bien, d'en parler à un jeune âge plutôt que de le refouler pendant bien trop longtemps."
"Vu ce que vous avez malheureusement eu à traverser, les garçons, remarque la duchesse Catherine, le traumatisme que vous avez subi... Je trouve que c'est incroyable à quel point vous êtes forts et comment vous avez réussi à surmonter cela, et j'attribue cela à vos toutes premières années d'enfance. Mais aussi la relation qui est la vôtre : vous êtes incroyablement proches - "la plupart du temps", l'interrompt William, taquin. Vous savez, la plupart des familles n'ont pas votre chance et ne peuvent pas partager les choses..."
Tu m'as toujours dit qu'il fallait que je repense aux souvenirs, mais je n'avais pas envie
"Mais les circonstances nous ont aussi rapprochés, c'est comme ça, précise alors le duc de Cambridge. Nous sommes liés d'une manière unique par ce que nous avons vécu. Mais tu sais, même Harry et moi n'avons pas suffisamment parlé de notre mère tout au long de ces années." "Non, jamais assez", confirme l'intéressé, avouant à sa belle-soeur que la campagne Heads Together lui a permis d'en prendre conscience : "Je me suis toujours dit "A quoi bon ressasser le passé ? Ça va seulement te rendre triste, ça ne va rien changer, ça ne va pas la faire revenir." Quand on raisonne comme ça, on peut se faire du mal. Tu m'as toujours dit qu'il fallait que je m'asseye et que je pense à ces souvenirs, mais moi j'étais plutôt du genre "pas envie d'y penser"." Tout à fait dans le rôle du grand frère et dans celui de l'ambassadeur de Heads Together, William lui dit alors qu'il est facile de fuir les problèmes mais qu'il faut faire de sa santé mentale une priorité.
La discussion s'achève sur le marathon de Londres, grand rendez-vous pour leur campagne, un an après son lancement depuis le palais de Kensington. On en retrouve dans cette vidéo toutes les composantes propres au trio royale : si la conversation semble naturelle et spontanée, elle est en effet savamment construite, concentrant les centres d'intérêt primordiaux de chacun et les leitmotivs de leur lutte en faveur de la santé mentale (briser la loi du silence, favoriser une prise en charge précoce). Mais, à la faveur des commémorations du 20e anniversaire de la disparition de Diana, gageons qu'elle n'est pas close.
GJ