Menacée de mort depuis 2009, elle est la femme la plus protégée de France et mériterait d'être l'un des visages de Marianne... La liberté et la laïcité, elle en a fait son étendard. Rescapée de la tuerie qui avait visé Charlie Hebdo, la journaliste et militante Zineb El Rhazoui, qui a échappé à la tuerie le 7 janvier 2015 parce qu'elle était en vacances, extériorise le traumatisme en parlant, en écrivant et certainement pas en se taisant. Dans une interview accordée à nos confrères de Paris Match, elle évoque sans filtre ni autocensure les questions sur le terrorisme mais aussi la place de la religion dans la société.
"Tel que l'islam est expliqué et compris aujourd'hui, il ne peut être vecteur que de violence, confie-t-elle. En France, on ne peut évoquer l'islam sans parler d'une religion de paix et d'amour... Moi qui ai grandi en son sein, je sais qu'elle est faite de guerres, de communautarisme et de haine de l'autre. Comme toutes les religions, d'ailleurs." Elle-même musulmane, elle milite pour la liberté de penser et de mener sa vie comme elle l'entend : "Toute ma vie a été un combat contre l'islam, pas en tant que spiritualité, mais en tant que corpus juridique. J'ai grandi et travaillé au Maroc. Je sais ce que veut dire vivre dans un pays où il n'y a pas de liberté individuelle. On n'a pas le droit d'épouser l'homme qu'on aime ; on ne peut pas avoir de rapports sexuels en dehors du mariage (même si on ne se gêne pas...) sans risquer la descente de police ! En 2010, quand la police a découvert mon mec chez moi, j'ai été arrêtée pour prostitution. Ce qu'est l'islam au quotidien, en tant que religion d'État, je ne le respecte pas."
Ses discours considérés par certains comme islamophobes font grincer des dents, elle s'en défend : "Moi qui ai grandi dans l'islam, qui ai dû apprendre le Coran par coeur, j'ai peur de la charia, mais cette peur n'a rien à voir avec le racisme. Dans des démocraties, ceux qui n'ont aucun moyen de nous faire taire crient à l'islamophobie."
Arrivée en 2011 au sein de la rédaction de Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui évoque pourtant ses divergences avec la direction : "Ils ont voulu me licencier pour faute grave. Avec d'autres journalistes, j'étais dans une lutte : on demandait un actionnariat salarié pour qu'il n'y ait pas d'enrichissement par l'argent du sang. Mais cet argent est considéré par les deux actionnaires comme un retour sur investissement. Nous sommes un journal où l'actionnaire majoritaire, Riss, rédige les éditoriaux. C'est un problème. Tous nos espoirs sont déçus. L'affaire est pliée. Je pense que j'aurai vocation à quitter Charlie, bientôt", dit-elle.
Si ses mots sont aussi forts que sa peur est faible, elle assure en revanche ne plus sortir seule mais protégée en permanence par des policiers. Aujourd'hui, elle publie un livre de témoignages sur les attentats du 13 novembre. Treize récits croisés de survivants et de témoins directs de l'attentat le plus meurtrier de l'histoire de Paris. Un devoir de mémoire essentiel, comme un combat contre la tumeur terroriste...
Stéphanie Laskar