C'est un témoignage d'une force incroyable qu'a livré Judith Chemla ce mercredi sur France Inter. Interrogée par Léa Salamé deux jours après son post Instagram dans lequel elle révélait à quel point son ex-compagnon violent lui pourrissait encore la vie, près d'un an après leur séparation, elle a d'abord voulu faire passer un message fort aux femmes qui vivent la même chose qu'elle.
"Ne retirez jamais votre plainte, ne retirez jamais, jamais une plainte que vous déposez ! On vous intimidera, on m'a intimidée, on m'a culpabilisée", a-t-elle d'abord asséné, des sanglots dans la voix. "Je vois tous ces messages de soutien et de remerciements. Je reçois des messages de femmes qui me disent : 'Grâce à vous je vais retourner au combat'. Le combat c'est porter plainte, c'est se battre pour ses enfants, pour que les enfants soient protégés", a-t-elle continué, alors qu'elle est elle-même maman d'une petite fille avec l'auteur des violences conjugales.
Une petite fille de 5 ans pour laquelle elle ne lâchera rien, malgré l'instrumentalisation faite par son père. "Il se plaint auprès d'elle de la situation, de ne pas la voir assez alors qu'il la voit techniquement toutes les semaines. Elle revient et elle dit : 'Pourquoi t'as demandé à la justice ? Pourquoi tu décides de la vie de papa ? Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas comme avant ?' Une enfant de quatre ou cinq, dire ça à chaque fois ?", témoigne-t-elle, bouleversée, devant Léa Salamé.
Mais certains mots sont encore pire pour cette maman "Ces mots de ma fille, qui me dit 'Moi un jour, si quelqu'un me fait du mal, je ne demanderais pas à la justice de me protéger'. Vous voyez ? Elle a 5 ans ! Je me battrais pour qu'elle sache qu'elle doit se protéger [...] et lui qu'il comprenne que s'il ne change pas, sa fille sera une femme battue consentante", conclut-elle, consciente qu'elle a tout fait pour laisser cet homme changer.
"Je lui demande de comprendre que je lui ai laissé beaucoup de chances, je n'ai pas témoigné avant, j'ai des enregistrements édifiants de violences conjugales, atroces. Jamais je n'ai voulu lui nuire, [...] j'ai voulu que son talent s'exerce. J'ai voulu lui laisser une chance en tant que père, en tant qu'homme, en tant qu'artiste. Il a bousillé toutes ses chances, il se sent au-dessus des lois ", explique-t-elle de cet homme qui a "commencé à vriller pendant la grossesse".
"Malgré 8 mois de prison avec sursis, il continue à penser que c'est une victime, que voir sa fille un week-end sur deux [...] ça n'est pas assez. C'est beaucoup, c'est presque trop mais je lui laisse cette chance, je souhaite que ma fille puisse avoir des rapports avec son père", a-t-elle conclu, en colère de la situation mais demandant une prise de conscience "immédiate".
Judith Chemla a partagé pendant 5 ans la vie du réalisateur Yohan Manca. Attendus l'an dernier à Cannes pour la présentation de leur film Mes frères et moi, ils n'étaient pas venus à la suite d'une dispute très violente au théâtre du Rond Point, pendant laquelle ce dernier avait lancé un téléphone sur sa femme. Une dispute sur laquelle Judith Chemla est également revenue en pleurant.
"[Les policiers] me disent : 'Madame, il faut porter plainte, parce qu'après c'est le féminicide. On le voit tous les jours madame, il faut porter plainte !' Ils avaient trois appels en même temps à cette seconde là, de femmes victimes de violences conjugales. Et moi, je ne pouvais pas me dire que j'allais porter plainte. Je ne dis rien, je suis sidérée, je ne me vois pas porter plainte contre le père de ma fille, je n'ai pas le déclic intérieur vous voyez ". Un déclic qui n'interviendra que le lendemain matin et qui aboutira à une condamnation en mai 2022.