C'est dans une tenue pour le moins étonnante, à savoir une longue robe bleue à sequins, qu'Alexandra de Taddeo s'est rendue au tribunal correctionnel de Paris ce mercredi 28 juin 2023, aux côtés de son compagnon Piotr Pavlenski, tout de noir vêtu. Une information rapportée par l'AFP, qui rappelle que l'artiste russe de 39 ans et l'étudiante française de 32 ans comparaissaient pour avoir enregistré et publié, sans le consentement de Benjamin Griveaux, des vidéos à caractère sexuel qui ont entraîné sa démission à la campagne municipale et provoqué un scandale politique en février 2020.
"L'art contemporain détruit les zones de confort", a notamment déclaré Piotr Pavlenski, ajoutant que la "liberté artistique" devait être "la plus grande valeur", avant de rentrer dans la salle d'audience remplie de journalistes et de public. Alors que la magistrate commençait à décliner leur identité, l'artiste russe a lancé d'une voix forte: "Aujourd'hui aura lieu le jugement de mon huitième événement d'art sujet-objet, l'événement pornopolitique, je serai jugé pour mélanger le style élevé et bas..."
Pendant qu'il continuait, la présidente a tenté de l'interrompre à plusieurs reprises avant de suspendre l'audience, alors que des applaudissements retentissaient. Quelques minutes plus tard, le tribunal a fait revenir à la barre Mme de Taddeo pour lui énoncer ses droits, mais Piotr Pavlenski a refusé de se lever, lançant: "J'annonce la règle du silence, vous ne voulez pas m'écouter quand je voulais venir parler."
"C'est votre choix, la seule chose c'est que les débats doivent se dérouler dans la plus grande sérénité", a répondu la présidente. Le tribunal a résumé le dossier avant de visionner, à huis clos, des extraits des vidéos de masturbation envoyées par l'homme politique à Alexandra de Taddeo lors de leur brève relation entre mai et août 2018.
Alexandra de Taddeo, aujourd'hui étudiante en histoire de l'art, a quant à elle accepté de s'exprimer. Dans une déclaration liminaire, elle a estimé que, depuis "40 mois", sa parole avait été "manipulée, ridiculisée, ignorée par cette machine à broyer qu'on appelle institution judiciaire et son pendant médiatique". L'étudiante a déclaré avoir "tout exprimé" dans son "roman autobiographique" intitulé L'Amour, qu'elle portait d'ailleurs à la main, ajoutant qu'elle n'avait "à aucun moment voulu piéger" Benjamin Griveaux.
Si elle a conservé certaines vidéos envoyées par l'ex-porte parole du gouvernement, c'était "pour (se) protéger" car il s'agissait d'une relation "particulièrement déséquilibrée", a-t-elle fait valoir. Les juges d'instruction ont conclu à son "implication directe" dans la publication des vidéos, mais Alexandra de Taddeo a maintenu que Piotr Pavlenski l'avait fait à son insu. Lors de la "révélation", "ma première réaction a été de paniquer", venant d'un milieu "plutôt conservateur, machiste et assez fermé à l'art", a-t-elle assuré, affirmant avoir dû faire un "choix du coeur".
Il y a aussi le droit à la liberté artistique
Aujourd'hui, "je le vois comme une évolution dans toute la séquence artistique des évènements de Piotr", a-t-elle expliqué. "Je pense qu'en réalité on parle beaucoup de droit à la vie privée depuis le début de cette procédure, mais il y a aussi le droit à la liberté artistique", a-t-elle défendu, disant "soutenir" son compagnon, un "très grand artiste contemporain". Si elle était bien présidente de l'association qui a financé le site Pornopolitique et y a cosigné une interview de la Cicciolina, femme politique italienne et actrice de films pornographiques, Alexandra de Taddeo a répété qu'elle n'a eu qu'un rôle "financier et organisationnel" mais aucun "rôle créatif".
La prévenue a ensuite annoncé refuser de répondre aux avocats de Benjamin Griveaux, 45 ans, absent de l'audience, et à celles du parquet. Durant de longues minutes tendues, les conseils de la partie civile ont posé tout de même leurs questions, l'une après l'autre, pointant des "coïncidences", d'un ton souvent ironique. "Maquiller ses agissements, ses délits et ses crimes en invoquant l'art, c'est une imposture. L'art, ça n'est pas fait pour avilir, pour humilier, pour abaisser. Ce n'est pas un instrument de terreur, ce n'est pas un instrument de torture, c'est le contraire de cela", a lancé l'un des avocats du mari de Julia Minkowski, Me Richard Malka.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 11 octobre après plus de dix heures d'un procès au cours duquel le parquet a requis six mois d'emprisonnement ferme à l'encontre de l'artiste de 39 ans et six mois avec sursis contre l'étudiante de 32 ans. La défense a plaidé la relaxe.