En 2010, la légende Annie Lennox a anticipé la saison des cadeaux. C'est dès le mois d'août qu'elle a, à 55 ans, quitté Sony pour signer chez Universal et livrer le 15 novembre un album de Noël qui fera date.
15 ans après Medusa, deuxième album solo de l'icône du duo Eurythmics dans lequel elle s'adonnait avec bonheur à l'exercice de la reprise, A Christmas Cornucopia ("cronucopia" signifiant littéralement "corne d'abondance", et, par extension, "profusion") propose un florilège de onze nouvelles interprétations de chansons festives traditionnelles - anglaises, françaises ou allemandes. Annoncé par le single original Universal Child, d'ores et déjà disponible, l'exercice de style fait résonner puissamment le background de l'Ecossaise à la voix anthologique. Elle évoque ses souvenirs de choristes, alors qu'elle avait 7 ans, au sein de la chorale de Mlle Auchinachie à Aberdeen : "Avec elle, j'ai appris tous ces beaux chants de Noël et ces chansons. Ensuite, j'ai participé aux festivals de musique d'Aberdeen et j'ai chanté des chansons fantastiques. Mon père, mon oncle et ma tante chantaient dans cette chorale également. Ils sont partis en Allemagne juste après la guerre, une sorte d'échange culturel de la paix (...) Ces chansons sont en moi, c'est tout. Je connais le son de chacune, sa moindre nuance... Tous leurs petits détails magiques. Elles occupent une très grande partie de ma vie. Aucune sélection arbitraire, donc. Les rapports que j'ai avec ces morceaux de musique se trouvaient en moi, intrinsèquement, avant même d'aborder cet enregistrement."
Le choix d'Universal Child comme premier single n'est évidemment pas anodin, compte tenu de la dimension politique et humaniste de ce morceau inédit : "C'est vraiment étrange. Je n'avais pas écrit de chanson depuis très longtemps. Puis ce titre est arrivé dans ma tête – je ne savais même pas que c'était un titre, il n'y avait que deux mots. Etre à l'abri et en sécurité, accéder aux soins médicaux, pouvoir aimer, se protéger, s'éduquer, avoir un avenir et un endroit décent pour vivre – un enfant a besoin de toutes ces choses. Dans les pays occidentaux, ces choses sont une évidence. Dans les pays en voie de développement, c'est une toute autre histoire... On maltraite des enfants partout. Vraiment partout. Je connais les cellules de crise qui reçoivent des victimes de viols, je suis bien au courant de ce qui se passe." Les bénéfices issus de la vente de ce single sont d'ailleurs intégralement versés à la Fondation Annie Lennox de celle dont l'activisme, en 35 ans de présence sur la scène médiatique, ne s'est jamais démenti. La fondation qui porte son nom soutient des actions en faveur des femmes et des enfants atteints du VIH ou du sida. D'où la présence contrastante, parmi ces chants dits "festifs", du traditionnel "Lullay Lullay", un des chants de Noël les plus sombres du genre, qui fait allusion aux premiers-nés tués par le roi Hérode et qu'elle a rapproché des images d'enfants-soldats qui lui revenaient constamment dans la tête...
Entre vertus humaines et artistiques de la chorale et credo caritatif, elle prend comme un cadeau, pour cet album de Noël, la participation de l'African Children's Choir qu'elle connaît depuis longtemps et qu'elle est allée, avec le coproducteur Mike Stevens, faire enregistrer en Afrique du Sud : "Il y a 34 chorales différentes. Mais c'est comme une grande famille: on t'appelle 'tata' ou 'tonton' quand tu travailles avec eux. Et ce sont des trésors: quand on leur demande – comme on l'a fait avec ces enfants de huit ou neuf ans – 'qu'est-ce qui a changé dans ta vie depuis que tu fais partie des choeurs?', ils répondent: 'Maintenant j'ai quelque chose de très bon à manger,' ou alors, 'Aujourd'hui j'ai des vêtements sympas.' Je les avais rencontrés plusieurs fois auparavant, grâce à 44664 (la Fondation VIH/SIDA de Nelson Mandela) ; nous avions cette connexion déjà, et j'avais le sentiment que, si on devait enregistrer des voix d'enfants, il faudrait que ces voix soient les leurs."
Des "voix", outre celle, reconnaissable, de la créatrice de tubes tels que Sweet Dreams ou Here comes the rain again, et celles des choristes, il y en a beaucoup à entendre du côté des instruments, qu'Annie Lennox a tous - ou presque - manipulés elle-même. Oud, Orgue de Barbarie, flûtiau, toute inspiration à sa place pour contribuer à purger ces chants traditionnels tant de leur religiosité que de leur récupération mercantile. Pour que renaisse un esprit de fête vierge.
Ah, au fait : Annie Lennox est née... un 25 décembre. Certaines coïncidences sont de vraies cornes d'abondance.
Tracklisting de l'album A Chritmas Cornucopia :
1. Angels From The Realms Of Glory
2. God Rest Ye Merry Gentleman
3. See Amid The Winter's Snow
4. I'l est ne le Divin Enfant
5. First Noel
6. Lullay Lullay (Coventry Carol)
7. The Holly and the Ivy
8. In The Bleak Midwinter
9. As Joseph Was A Walking
10. O Little Town Of Bethlehem
11. Silent Night
12. Universal Child
G.J.