Un Aubert peut en cacher un autre, mais pas indéfiniment. Le jour s'est levé sur un autre monde - musical - que celui de Jean-Louis Aubert : celui, d'une force visuelle impressionnante, de son fils Arthur.
Mercredi 19 février 2014, quelques personnalités dont l'icône de Téléphone se réunissaient, assez discrètement, au Fouquet's. Non pas au prestigieux restaurant qui a pignon sur les Champs-Elysées pour faire ripaille, mais à l'Hôtel Barrière attenant pour accompagner dans la lumière médiatique qu'il a jusqu'à présent soigneusement évitée Arthur Aubert, photographe et graphiste - "photographiste", en fait - très visiblement inspiré. Zazie, Raphaël, ou encore Dani, pour ne citer qu'eux, étaient présents pour découvrir en avant-première le travail du jeune homme de 28 ans, entouré également de ses parents Jean-Louis Aubert et France.
Le talent graphique d'Arthur Aubert avait pour la première fois affleuré à la surface médiatique en 2010, lorsqu'il avait en toute discrétion réalisé la pochette du magnifique album Roc Eclair de son paternel. Un portrait saisissant d'Aubert père, qui faisait dire à l'intéressé, dans Paris-Match : "C'est la première fois qu'il fait des photos de moi, raconte le chanteur. Arthur a 24 ans. Il a une profondeur que j'aime beaucoup, mais qui est aussi un peu curieuse à cet âge. Cela dit, moi à son âge j'écrivais 'La Bombe humaine' et 'Crache ton venin', c'était curieux aussi (...) Et la manière dont il m'aimait, un peu plus vieux, posé, j'ai bien aimé ça..."
Arthur a une profondeur hors norme, un regard particulier sur le corps, c'est indéniable, et un simple regard porté, de près comme de loin, sur ses travaux exposés au Fouquet's permet d'en appréhender le vertige. Ce dimanche, le JDD y consacre une de ses colonnes, quelques jours après l'avoir rencontré (Arthur Aubert avait partagé une photo de cet entretien sur sa page Facebook), et se laisse envoûter littéralement par "l'esthétisme saisissant" de ces photos qui "narguent le bling pour faire émerger la forme d'une sensualité morbide", "natures mortes au parfum capiteux [qui] semblent autant de déclinaisons des sept péchés capitaux".
Mais alors, pourquoi ne le découvre-t-on que maintenant, cet art si intense ? Deux raisons à cela : d'abord, parce qu'Arthur Aubert a fait le choix délibéré de l'anonymat (du métier d'infographiste) plutôt que celui de l'existence publique de "fils de", et a mûri son projet en étudiant pendant cinq ans à l'École supérieure de design, d'art graphique et d'architecture intérieure, l'ESAG Penninghen de Paris, dont il est diplômé. Ensuite, parce que cet art subtil et puissant, dont une analyse très pointue est disponible sur le site Artemedia, à un prix qui se chiffre en temps : "entre trois semaines et deux mois, prise de vue et tirage, pour chaque image", rapporte le JDD ; "500 clichés, 300 poses différentes pour 2 500 représentations du corps à l'image", décrypte Artemedia concernant la seule réalisation de L'Obsession, représentation du thème de la luxure sous la forme d'une croix faite de chair.
Et à ce temps de la création répond maintenant le temps de la perception, celle du public. Les photomontages d'Arthur Aubert, ses mises en scène sépulcrales dénotant l'importance de l'influence du Caravage et de Rembrandt en matière de travail de la lumière, sa myriade de détails vivant individuellement et collégialement dans l'oeuvre, exigent, impérieusement, un effort de décodage, une participation active du spectateur, chacun élaborant sa propre lecture, inventant sa propre émotion. Une peine capitale.
G.J.
Arthur Aubert expose jusqu'au 30 mars 2014 à l'Hôtel Fouquet's Barrière, à Paris (8e arr.).