L'information est passée relativement inaperçue dans la presse internationale, mais la revue en ligne Slate n'a pas manqué de souligner la relation tendue entre le réalisateur iranien du Passé,Asghar Farhadi, et son pays. Lors de sa descente d'avion à l'aéroport Imam Khomeyni de Téhéran le 9 juillet, le metteur en scène a été arrêté, son passeport confisqué. "Un bref incident qualifié de 'malentendu' par la presse iranienne puisque le passeport lui a été remis rapidement. Mais un événement à prendre comme une mise en garde de la part des autorités iraniennes, ainsi que l'interrogatoire auquel Farhadi a été soumis les jours suivants", lit-on sur Slate.
Si Asghar Farhadi n'est pas en conflit ouvert avec le gouvernement iranien à l'image de Jafar Panahi ou Mohammed Rasoulof, il y a des choses qui ne plaisent pas visiblement à l'état d'Iran. Son actrice du Passé, Bérénice Bejo, qui l'embrasse lorsqu'elle reçoit le prix d'interprétation à Cannes, a déjà froissé certains : "Elle connaissait les codes et savait qu'il ne fallait pas embrasser Farhadi", explique un proche. Le protocole iranien voudrait que l'homme s'incline légèrement devant la femme en guise de salut, et ce sans contact physique, précise Slate.
Asghar Farhadi n'est pas tendre avec Argo, le film de Ben Affleck sur le sauvetage d'otages en 1979 à Téhéran qui a reçu l'Oscar du meilleur film, mais il ne le fait pas pour plaire aux autorités iraniennes, scandalisées par ce film qui dévoile un visage de l'Iran qu'elles estiment inexactes. Discret, diplomate, le réalisateur du Passé ne veut néanmoins pas être associé aux censeurs.
Détenteur du premier Oscar pour un film réalisé par un metteur en scène iranien avec Une séparation, Asghar Farhadi n'est pas considéré comme un ennemi de son pays, et ses films ne remettent pas directement en cause le système de l'Iran. Le gouvernement pouvait donc ainsi récupérer joyeusement le triomphe d'Une séparation. Pourtant, lors du tournage du film, le réalisateur a perdu brutalement son autorisation de tourner après avoir déclaré en 2010 au sein de la Maison du cinéma : "Si seulement le pays pouvait être tel qu'il soit possible que Golshifteh Farahani [actrice en exil sous la pression des autorités] puisse de nouveau jouer en Iran [...], que Jafar Panahi [condamné à 6 ans de prison et à 20 ans d'interdiction d'exercer toute activité cinématographique] puisse réaliser des films dans son pays".
Le travail de Farhadi est donc scrupuleusement observé par le gouvernement iranien qui l'applaudit lorsqu'il lui est bénéfique, tout en le rappelant à l'ordre s'il s'attaque au système. Pour son prochain film, le réalisateur iranien va être sous les feux des projecteurs des cinéphiles, comme des gardiens de la morale gouvernementale.