Le retour sur scène de Bertrand Cantat s'est accompagné de nombreuses levées de boucliers. Les associations féministes et leurs allié(e)s voient en lui le symbole des violences faites aux femmes et dans son exposition (en une des Inrockuptibles, par exemple), une provocation. La famille de Marie Trintignant, morte sous ses coups en 2003, en souffre. Et il y a le suicide en 2010 de celle qui fut l'épouse de Cantat, Kristina Rady, la mère de ses deux enfants âgés de 15 et 20 ans, Alice et Milo. L'enquête autour de cette mort brutale a été rouverte par le parquet de Bordeaux le temps d'étudier les nouveaux éléments remis par l'avocate Yael Mellul, présidente de l'association féministe Femme et Libre. L'avocat du chanteur, Me Antonin Lévy, contre-attaque en dévoilant des extraits de la lettre de suicide de Kristina Rady.
Lundi 4 juin 2018 sur BFMTV, face à la journaliste Ruth Elkrief, Antonin Lévy brandit cette lettre de deux pages : "La famille de Mme Rady a été contrainte, et vraiment ce n'était pas de gaieté de coeur, de venir dévoiler les termes [de la lettre], explique l'avocat. Quand on dévoile les derniers mots d'un suicidé, ce n'est pas par plaisir, mais parce qu'à un moment, on ne peut pas laisser dire tous les mensonges." Les parents de Kristina ont publiquement, encore récemment, apporté leur soutien à leur ancien gendre.
La réouverture de l'enquête repose sur des conversations entre Yael Mellul et "la compagne d'un ancien membre de Noir Désir" qui font état des violences supposées depuis longtemps de Bertrand Cantat, comme celles rapportées par l'enquête explosive du Point parue en novembre 2017. Dans les passages lus par Me Lévy, Kristina Rady évoque justement cette femme qui a échangé avec Yael Mellul : "Elle a dit trop de mal sur moi, m'a fait trop souffrir."
Pour autant, Rady n'est pas tendre avec le père de ses enfants, qu'elle qualifie dans cette lettre de "dépositaire exclusif de souffrance" : "Merci aux cris incessants et aux accusations de Bertrand", écrit-elle. Pour autant, Me Antoine Lévy martèle : "Parfois, la raison pour laquelle on ne trouve rien, c'est qu'il n'y a rien." Le Parquet penche dans cette direction. "La procureur de Bordeaux a confirmé en matinée que l'enquête avait été rouverte sur le suicide pour vérifier 'des éléments' transmis par la présidente d'une association féministe, résume l'AFP. (...) [En précisant toutefois] que la réouverture de l'enquête ne devrait pas 'remettre en question' les premières conclusions qui avaient mis hors de cause le chanteur."
Selon Yael Mellul, Kristina Rady aurait été poussée au suicide par Bertrand Cantat – rappelez-vous son appel au secours à ses parents six mois avant son geste, ce message de huit minutes glaçantes sur leur répondeur. En 2014, l'avocate avait porté plainte pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" avec le soutien du dernier compagnon de la défunte. C'est à cette époque que les parents de Kristina Rady se sont désolidarisés de toute action en justice visant le père de leurs petits-enfants...
En novembre, Le Point publiait une enquête édifiante reposant sur le témoignage anonyme d'un ancien membre de Noir Désir qui affirmait que Cantat avait été protégé à Vilnius (où Marie Trintignant est morte) à la demande de Kristina Rady : "Kristina m'a vu et elle m'a demandé, à moi et à tous les autres membres du groupe, de cacher ce que l'on savait. Elle ne voulait pas que ses enfants sachent que leur père était un homme violent. (...) Je savais qu'il avait frappé la femme avec qu'il était avant Kristina. Je savais qu'il avait tenté d'étrangler sa petite amie, en 1989. Mais, ce jour-là, nous avons tous décidé de mentir. Nous étions tous sous son emprise. Et nous pensions qu'il se soignerait." Denis Barthe et Jean-Paul Roy, batteur et bassiste de Noir Désir, ont exigé des excuses de l'hebdomadaire. Serge Teyssot-Gay, guitariste et dernier membre du groupe, s'est dit "excédé de toutes ces histoires qui ne le regardent pas". L'angle du Point était l'omerta autour de Cantat... Rien n'aurait donc changé.