D'un Idol en survivor à une idole éternelle par-delà la mort : porté un peu disparu depuis les années 1990 qui ont bien failli l'engloutir un soir d'overdose, Billy Idol ressuscite au format d'icône hollywoodienne ultime. Il investit la passion meurtrière d'Orson Welles pour Can't Break Me Down, un nouveau clip intense que Purepeople.com vous propose de découvrir en avant-première.
Le rockeur anglais de 58 ans, connu autant pour les tubes Hot in the City, Dancing with Myself et White Wedding que pour ses cheveux inaliénablement blond platine, publie ce mois-ci Kings & Queens of the Underground, son septième album studio en quarante ans de carrière, produit essentiellement par le génie de la pop Trevor Horn (The Buggles, Yes), alias "l'homme qui a inventé les années 80", et Greg Kurstin (Lily Allen, Pink, le dernier Sia). Et le voilà qui, dans la peau d'Orson Welles (rien de moins...) dans La Dame de Shanghai (1947), nous adresse une des saisissantes "cartes postales du passé" - pour paraphraser un de ses nouveaux titres (Postcards from the Past) - de ce successeur à Devil's Playground (2005), sous la forme d'un clip revisitant un sommet du film noir. La classe hollywoodienne. Histoire de rappeler que son parcours, retracé dans une autobiographie (Dancing with Myself) qui vient de paraître, est bien digne d'un film.
"Tu veux qu'il pleuve sur l'histoire de ma survie/T'es dingue, bébé, parce que je n'ai jamais eu le moindre doute/Je chante des chansons d'amour et de gloire [Love and glory, titre d'une autre chanson de l'album, NDLR] (...) C'est rien que ma réaction naturelle/Quand je heurte le sol/Je suis l'assassin originel/Je me relève et je continue" : dans Can't Break Me Down, premier extrait vitaminé de Kings & Queens of the Underground, Billy Idol se pose en amant indestructible, résistant aux blessures, aux balles, aux coups de poignard dans le dos de l'amour. À l'épreuve des "bang, bang, bang" - tout le contraire de Cher et Nancy Sinatra - qu'il scande en ouverture d'un refrain exactement explosif. D'ailleurs, la vie est plus forte, et fait effraction de tous côtés, dans ce morceau nerveux, urgent et brillamment arrangé, à l'énergie électrique (ambiance de stade en entrée...) peuplée de sons cristallins et qui s'achève dans l'envolée héroïque de la guitare lead. Impeccable, la voix de l'interprète mythique de Rebel Yell se fait impérieuse, dans les graves comme dans les aigus, glaçante en duo avec ligne mélodique de la guitare électrique lors des couplets, en force à vous coller au mur pour les ponts et le refrain, catchy comme Idol en a eu - et en a toujours, de toute évidence - le secret.
Une idole rock, une lady danseuse bombe atomique, un boiteux agile... Une légende.
À l'onde de choc sonore répond la puissance visuelle du clip signé du réalisateur avant-gardiste Jason Trucco, qui ose s'emparer (comme Woody Allen avant lui, dans son Meurtre mystérieux à Manhattan) d'une scène parmi les plus cultes appartenant à l'âge d'or du film noir hollywoodien. En 1947, Orson Welles se mettait en scène au coeur d'un triangle amoureux dans La Dame de Shanghai, s'éprenant à l'écran du personnage d'Elsa Bannister joué par la divinissime Rita Hayworth (son épouse à la ville, avec laquelle il était en instance d'un divorce houleux), mariée à un avocat boiteux du nom d'Arthur Bannister (Everett Sloane). Le drame atteignait son paroxysme final lorsque les époux Bannister s'entretuaient au coeur d'un palais des glaces, dans un tonnerre de verre brisé fracassant dont O'Hara (Welles) sortait indemne.
Billy Idol, loin du look bondage et de la fièvre ruisselante de son hit Dancing With Myself, reprend le rôle. Face à lui, viril et ferme, l'objet de désir insensé prend les traits et les lèvres de feu d'Izabella Miko, comédienne et danseuse polonaise de 33 ans aux faux airs de Michelle Pfeiffer, méconnue mais pas inconnue : après des débuts au cinéma terre-à-terre dans Coyote Girls, puis plus aériens dans Bye Bye Blackbird avec James Thierrée, elle était l'héroïne de Save the Last Dance 2, avant de donner la réplique à Val Kilmer dans Double Identity et de redanser dans Sexy Dance 5. Elle s'est également fait remarquer avec une choucroute de cheveux blancs en 2004 dans l'ambiance baroque du clip de Mr. Brightside, hit de The Killers, dont elle faisait à nouveau tourner la tête dans Miss Atomic Bomb (2012). Le troisième protagoniste de cette valse létale, le mari claudiquant, est joué par le danseur et chorégraphe Ryan Heffington, qui est également le chorégraphe du clip, produit par Niv Gat et Dana Lustig. Ses moments de danse avec Izabella sont absolument somptueux, à l'instar de l'imagerie globale de la vidéo. Lui non plus ne sort pas de nulle part : référence du monde de la danse qui a collaboré avec Michael Jackson et Britney Spears ainsi qu'à de nombreux clips, pubs (dont la campagne Live Young d'Evian) et films, le Californien est derrière le clip événement de Sia, Chandelier, qui a fait de la toute jeune Maddie Ziegler une star.
Quand Billy Idol fait son cinéma...
Billy Idol réalise avec Can't Break Me Down une nouvelle incursion dans l'univers cinématographique. Plusieurs chansons de son deuxième album, Rebel Yell (1983), s'étaient retrouvées sur la bande originale du film Big (1988), avec Tom Hanks ; Oliver Stone l'avait casté pour The Doors (il n'y jouera finalement qu'un petit rôle, suite au grave accident de moto qui faillit lui coûter une jambe en février 1990 et le priva aussi d'une apparition dans Terminator 2) ; Cradle of Love fut utilisée pour la bande-son des Aventures de Ford Fairlaine ; il composa Speed pour le blockbuster éponyme (1994). Et en 1998, au coeur de sa traversée du désert, sa brève apparition dans la comédie The Wedding Singer (avec Adam Sandler et Drew Barrymore), qui reprenait son inoubliable White Wedding, lui offrit un joli coup de projecteur.
Dix ans plus tard, il se prenait en 2008 pour John Wayne, dans un titre inédit inclus dans la compilation The Very Best of Billy Idol: Idolize Yourself. Et désormais, pour l'album Kings & Queens of the Underground (dont l'un des morceaux s'intitule... Eyes Wide Shut), il emprunte le mythe Orson Welles, avec la belle Izabella Miko et le charismatique Ryan Heffington. Une réunion de talents pour une vision cauchemardesque... jouissive.
Oh, the evil that men do...
G.J.