Depuis le mercredi 9 mai, Charlotte De Turckheim est à l'affiche du nouveau film d'Isabelle Doval (la compagne de José Garcia), Abdel et la Comtesse. Une comédie dans laquelle, ô surprise diront ses détracteurs, l'actrice campe une nouvelle aristocrate. Mais attention, il y a des nuances, et c'est ce qui a séduit la principale intéressée. "On n'est pas du tout dans le cliché de l'aristo qui va apprendre au petit gars de banlieue comment vivre, mais c'est vraiment comment ils vont s'apprendre l'un l'autre quelque chose, comment ils vont s'aider à sortir du carcan de leurs propres traditions", se réjouit-elle.
Ce film m'a réconcilié avec mon univers d'origine
Au final, Abdel et la Comtesse s'amuse des clichés pour mieux les détourner. "Souvent moi-même je me suis un peu foutu de la gueule des aristos, et là j'ai eu envie défendre des valeurs", nous confie Charlotte à propos de ce rôle qui fait écho à ses origines. "Je viens d'une famille aristocrate comme celle de la comtesse, on est une famille assez libre, loufoque, je parle comme un charretier", assure-t-elle, faisant référence aux parodies d'aristocrates dans ses spectacles et films. Mais "par pudeur", elle n'a jamais osé "dire tout le bien qu'[elle pensait] d'un certain type d'aristos". "Être digne, respectueux, tendre la main, ne pas se plaindre, ce sont des belles valeurs. Ça fait un cul-cul, je n'osais pas le défendre avant", reconnaît-elle avant d'ajouter : "Ce film m'a réconciliée avec mon univers d'origine."
Coluche m'a dit que je n'y arriverais pas avec ce nom. J'ai changé et pendant un an je me suis appelée Charlotte Keim. Et en fait, j'ai eu honte. Je trouvais ça un peu minable
Au début de sa carrière, Charlotte De Turckheim débarque avec sa fraîcheur et son statut de baronne. "Coluche m'a dit que je n'y arriverais pas avec ce nom. J'ai changé et pendant un an je me suis appelée Charlotte Keim. Et en fait, j'ai eu honte. Je trouvais ça un peu minable", nous raconte-t-elle. Dès lors, elle affirme son caractère, reconnaît qu'elle n'attire pas le cinéma d'auteur – et le regrette – et que son nom a été un poids qu'elle a su tourner en avantage. "Ça m'a fermé certaines portes et en même temps ça m'a confortée dans l'idée qu'il fallait assumer ce qu'on était", lâche-t-elle.
Abdel et la Comtesse traite aussi du choc des cultures et de racisme. Un sujet que connaît bien Charlotte de Turckheim, elle qui est mariée à Zaman, un Afghan et ex-réfugié politique. "On n'a pas trop souffert du racisme. Il y a des gens qui se méfient, font des amalgames, qui ont peur, mais je ne peux pas dire qu'on en souffre", a-t-elle assuré. "J'avais un père qui était très aventureux, et ils nous a ouvert cette porte 'n'ayez pas peur des autres, des étrangers, des différentes cultures, des religions'. On a été beaucoup éduqué à cela et je l'en remercierais toute ma vie. J'ai épousé un Afghan musulman, j'ai pas peur et j'ai jamais eu peur", répond-elle quand on lui demande si sa famille lui a mis des bâtons dans les roues au moment de vivre son amour au grand jour avec Zaman.
On a encore du boulot, nous, les femmes, parce que je pense qu'on est notre pire ennemie. Là, on réclame la parité, on réclame le pouvoir. Mais le pouvoir, ça se réclame pas, ça se prend, nom d'un chien !
Le film aborde enfin le sujet de la place de la femme dans la société par le prisme du milieu aristocrate où une femme ne peut pas hériter. Pour Charlotte de Turckheim, qui "adhère à 1000% à cette rébellion des femmes", c'est avant tout une question d'éducation. "Nous, mères, avons une grosse responsabilité dans la manière dont on élève les filles et les garçons", croit savoir celle qui est maman de trois filles – dont Julia Piaton, l'actrice de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu – et quatre en comptant celle de son mari. "Je pense que j'ai fait le maximum que je pouvais faire avec ma génération pour éduquer mes filles, poursuit-elle. On a encore du boulot nous les femmes, parce que je pense qu'on est notre pire ennemie. Là, on réclame la parité, on réclame le pouvoir. Mais le pouvoir, ça se réclame, ça se prend, nom d'un chien ! Et là, on n'a pas assez confiance en nous mais c'est parce qu'on n'a pas été élevées avec ça. J'aimerais que mes filles, avec leurs propres filles et garçons, aillent plus loin que ce que j'ai été."
Et il suffit de la regarder elle, dans sa manière de voir son rapport au monde masculin, pour comprendre qu'on ne lui a jamais rien fait subir. "J'étais très déterminée et fallait pas me faire chier. Je n'en aurais pas souffert parce que j'ai toujours pris ma carrière en main", assure celle qui n'a pas souffert du patriarcat.