Elle n'a besoin d'aucun objet, aucun artifice pour faire revivre son souvenir. Voilà trente ans que Charlotte Gainsbourg pleure la mort de son père Serge, disparu le 2 mars 1991. Pour se rassurer, elle pense parfois à ce grigri qu'elle lui a offert, qui veille sur lui pour toujours : un pendentif dont la création remonte à la fin des années 1980. "Mon père me parlait beaucoup de ses origines, explique-t-elle à Télérama. Il voulait transmettre sa culture mais pas l'aspect religieux. Quand ma grand-mère est morte, j'ai voulu absolument être juive, j'allais à la synagogue en cachette, je ne mangeais pas de porc. Quand il l'a découvert, il a été choqué, il ne comprenait pas. Il m'a quand même offert une étoile de David, il était fier du dessin qu'il avait fait graver chez Cartier. Quand il est mort, je la lui ai passée autour du cou et j'ai pris la chaîne qu'il portait au poignet."
Je suis montée pour trouver Bambou, Charlotte et Kate qui étaient attachées à Serge
Serge Gainsbourg, de son vrai nom Lucien Ginsburg, était effectivement fils d'immigrants russes juifs. Et la maison Cartier a, plus d'une fois, trouvé grâce à ses yeux. Dans le deuxième volet de son autobiographie, intitulé Post Scriptum, Jane Birkin se remémorait l'ultime offrande de son partenaire, à quelques heures de sa disparition. "Il y avait déjà une foule devant la maison, les gens commençaient à chanter La Javanaise, écrit-elle dans ses pages. Fulbert, le valet de Serge, m'a laissée entrer. Il m'a tendu la petite boîte Cartier qui contenait le diamant que Serge m'avait acheté deux jours avant. Je suis montée pour trouver Bambou, Charlotte et Kate qui étaient attachées à Serge comme des pietàs."
Il a cédé à sa cinquième crise cardiaque, installé dans son appartement du 5 bis rue de Verneuil, dans le 7e arrondissement de Paris. Pendant de longues heures, pourtant, ses proches ont tenté de le ramener à la vie, de le pleurer dignement en s'allongeant auprès de lui, se blottissant contre son corps froid. Ce moment suspendu dans le temps était d'ailleurs le sujet du titre Lying With You, sur l'album Rest, dans lequel Charlotte Gainsbourg décrivait "son visage de cire", sa jambe nue sortant du drap, la trainée qui s'échappait "du coin de sa bouche". Elle avait oublié, dans cette description, le petit pendentif qui le suivrait jusqu'à l'autre monde...