Après Cannes et l'ouverture du Festival avec Les Fantômes d'Ismaël, Charlotte Gainsbourg revient avec deux nouveaux films – Le Bonhomme de neige de Tomas Alfredson et La Promesse de l'aube d'Éric Barbier – et un nouvel album, six ans après l'hybride mi-live, mi-inédit Stage Whisper. Après avoir collaboré avec Beck, Air et Connan Mockasin, Charlotte a confié la réalisation de Rest au producteur électro Sebastian. En racontant la genèse du disque, la fille de Jane Birkin et Serge Gainsbourg évoque sa vie new-yorkaise.
Après la mort de sa soeur photographe, la regrettée Kate Barry, Charlotte Gainsbourg a ressenti le besoin, presque vital, de quitter la capitale. Direction les États-Unis et New York, où elle s'est installée dans Manhattan et vient de déménager à Greenwich Village, "l'ancien quartier bohème". De l'autre côté de l'Atlantique, Charlotte respire à nouveau : "Je me sens très ingrate de dire ça, mais les gens me reconnaissent là-bas pour ce que j'ai fait, moi, raconte-t-elle dans Les Inrockuptibles. Ils ne parlent pas de mes parents. Ils ont vu les films de Lars Von Trier, ont écouté la musique de Beck, ils n'ont pas forcément fait le lien. On ne me parle pas tous les jours de ma vie. À mon âge [46 ans, ndlr], j'ai découvert l'anonymat."
Sur son enfance, sous le feu des projecteurs (1er film à 13 ans, 1er disque, signé par son père, l'année suivante), Charlotte Gainsbourg explique qu'elle a pris un tournant à la séparation de Serge et Jane : "Mes parents n'ont pas gardé les choses secrètes, et quand ils se sont séparés, ça a été vraiment très compliqué à vivre : la presse, les paparazzi... Ils ont joué un jeu qui s'est retourné contre eux. Puis ils ont réapprivoisé les médias. Ma mère m'a alors appris à ma cacher."
Dans L'Express diX (anciennement Styles), Charlotte en dit un peu plus cette vie discrète à New York : "Je mène une vie tranquille, je m'occupe de mes enfants qui vont à l'école, j'évite le tumulte qui grouille au pied des gratte-ciel. (...) Mon dépaysement est intact. Et je ne me suis jamais sentie aussi française. Tout me paraît étranger et donc nouveau. (...) Je me sens plus libre." Charlotte explique sortir plus qu'à Paris, fréquenter beaucoup Broadway puisqu'elle adore les comédies musicales et qu'elle ira voir sa mère chanter Gainsbourg entourée d'un orchestre symphonique au Carnegie Hall le 26 octobre. "Et la journée, je me balade beaucoup seule." Finalement, à New York, ce qui lui manque le plus reste sa famille et ses souvenirs restés parisiens : "Ma mère, ma soeur Lou [Doillon]. Mon passé", résume Charlotte dans Les Inrockuptibles.
Depuis qu'elle vie aux États-Unis, Charlotte Gainsbourg commence à parler anglais à ses enfants : Ben (1997), Alice (2002) et Joe (2011). "J'ai toujours trouvé ridicule les Français qui se forcent à parler en langue anglaise... Eh bien je m'y suis mise ! Et les enfants sont ravis."
Alice et Joe sont justement les héroïnes du clip du fantastique Deadly Valentine, un des deux premiers extraits de l'album Rest, attendu le 17 novembre. L'autre morceau, produit et coécrit par Guy-Man de Daft Punk, est celui qui donne son titre à l'album, il est chanté en partie en français. Une grande nouveauté pour Charlotte qui n'osait se risquer à la comparaison avec le travail de son père. Cette capacité d'écrire et de chanter des textes aussi directs en français est arrivée après la mort de Kate : "J'avais déjà écrit une partie des textes, mais après son décès, je n'ai plus été capable d'écrire sur autre chose. Je suis devenue très obsessionnelle et je suis partie à New York. Tout à coup, je m'en foutais que ce soit bon ou mauvais. Le français ne m'a plus effrayée, il est même devenue évident pour certaines chansons." Pour Sebastian, producteur de l'album, Rest "parle à haute voix aux êtres qu'elle a perdus". Sa soeur comme son père.
L'autre grand thème du disque, c'est l'âge. Celle que l'on a aimée dès l'enfance a donc 46 ans. Sur le temps qui passe, elle offre cette réponse assez géniale à Géraldine Sarratia qui l'interviewe dans Les Inrocks : "Je ne suis pas obnubilée par ça, mais je trouve que le vieillissement ne va ni avec la musique ni avec le cinéma. Il y a dans ces arts un souffle qui va de pair avec la jeunesse. Je le fais quand même, je m'en fous."
Les Inrockuptibles et L'Express diX, en kiosques le 27 septembre 2017.
Rest, attendu le 27 novembre 2017.