En temps normal, l'échec d'une superproduction ressemble à un délicieux retour de flamme adressé à l'industrie hollywoodienne, premier fournisseur de spectacles décérébrés, franchises increvables et autres spin-off-reboot-prequel-suites plus ou moins assumés - clin d'oeil à Total Recall. Néanmoins, le démarrage relativement désastreux de Cloud Atlas réalisé par Tom Tykwer, Andy et Lana Wachowski possède un arrière-goût amer pour les amateurs de cinéma spectaculaire mais pas décérébré, conscients que la machine hollywoodienne est indispensable aux cinéastes qui rêvent de fresques épiques et de science-fiction. Avec à peine 10 millions de dollars récoltés pour un coût de 100 millions, l'adaptation du livre Cartographie des nuages de David Mitchell semble ainsi confirmer aux studios que le risque ne paie pas. Pire encore : qu'il est puni par le public.
Cartographie d'un échec
Nouveau flop pour Andy et Lana Wachowski. Après le désastre Speed Racer (2008) qui a terminé sa course avec 93 millions pour un coût de 120 millions, les réalisateurs, associés à Tom Tykwer (Cours Lola, cours, Le Parfum) pour l'occasion, sont punis pour leur excès d'ambition avec un premier week-end désastreux. Un retour de flamme tétanisant pour les créateurs de la matrice : Matrix (1999) avait récolté 463 millions, Matrix Reloaded (2006) 742 millions et Matrix Revolutions (2003) 427 millions - un indice de leur future chute dans l'estime du public.
Ce premier box-office, théoriquement solvable avec le marché international, n'est pas une vraie surprise pour ce film au développement complexe. Loin d'avoir convaincu les studios avec ses trois heures de narration explosée à travers le temps, l'espace et les genres, Cloud Atlas a survécu avec des fonds allemands, vraisemblablement appelés par Tom Tykwer. Annoncé à 140 millions de dollars, le budget a finalement été réduit à 100 millions, deux fois moins que les chiffres habituels des blockbusters hollywoodiens. Finalement, la Warner Bros. aurait déboursé 20 millions pour les droits de distribution sur le territoire américain, laissant deviner leur doute sur les capacités de Cloud Atlas au box-office. Officiellement, le studio a validé la version des réalisateurs, estampillé Rating R (interdit aux moins de 17 ans) par le comité de censure. Concrètement, la Warner Bros. a minimisé les dégâts en cas de flop. Chose confirmée par le démarrage plus que décevant pour un film de cette envergure titanesque.
Si le box-office américain compte pour beaucoup dans les considérations financières d'un film, le reste du monde permet dans beaucoup de cas de sauver les ruines d'un film. Précédé de critiques très partagées depuis sa présentation au Festival de Film de Toronto (TIFF) où il a écopé de tous les noms d'oiseaux, du plus beau au plus laid, Cloud Atlas va atteindre le reste du globe dans les prochains mois. La Russie et l'Allemagne en novembre, l'Australie, l'Angleterre et l'Espagne en février, puis la France et la Japon en mars. Le destin semble donc tendre les bras au film, encore capable de sauver son honneur d'oeuvre cinématographique, à défaut de celui de carton hollywoodien.
"Cloud Atlas", en salles le 13 mars 2013
Geoffrey Crété