Incarné par Virginie Despentes depuis une dizaine d'années et de livres, le cinéma underground français ne pouvait rêver meilleure rencontre que celle d'Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle.
La blonde révélée par Claude Berri, Jacques Rivette, André Téchiné et Claude Sautet, intellectuelle et star de cinéma, croise ainsi le regard et les lèvres de Béatrice Dalle, actrice fiévreuse et habitée, repérée dans l'hystérie de 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix. Pour la première fois de leur carrière, les deux comédiennes se retrouvent ensemble devant une caméra pour Bye Bye Blondie, l'histoire d'amour entre deux femmes séparées par la vie mais réunies par leurs souvenirs d'adolescence.
Le film est adapté du livre éponyme de Virginie Despentes qui raconte l'histoire de Gloria, une marginale et ex-punk, et de son amour de jeunesse Éric, devenu présentateur télévisé. Mais des mots au images, la réalisatrice est dans une impasse. Choisie dès le départ, Béatrice Dalle explique : "Virginie ne trouvait pas l'acteur qu'elle voulait pour le personnage d'Éric, celui du roman. Je savais qu'elle aimait énormément Emmanuelle [Béart] alors je lui ai dit : 'On s'en fiche, c'est une histoire d'amour, demande à Emmanuelle'." Eric devient alors Frances et le film, l'une des premières histoires d'amour entre deux femmes interprétées par deux actrices reconnues.
Mais la présence de Béatrice Dalle et Emmanuelle Béart ne rassure pas les producteurs. Avec l'héritage du sulfureux Baise-moi (2000) et un scénario atypique sous le bras, Virginie Despentes persévère avec l'aide de Wild Bunch, la seule production présente dès le début. Le financement s'écroule une première fois, mais après trois années et avec seulement 3 millions d'euros, Bye Bye Blondie existe.
Les critiques ne sont pas tendres avec cet objet unique, mais la rencontre entre les deux comédiennes est un événement. Béatrice Dalle explique : "Avec Emmanuelle, on ne se connaissait pas. (...) J'avais adoré certains de ses films, comme La Belle Noiseuse, et c'est une femme incroyable : elle ne calcule pas, elle met en pratique ce qu'elle défend. (...) Tourner avec Emmanuelle et Virginie, c'est presque dérangeant de dire que c'est du travail." Venues de deux horizons opposés, les deux actrices sont portées par des méthodes radicalement différentes. Tandis que la brune s'intéresse davantage à l'âme du film qu'au scénario, écoute son instinct et refuse de parler de personnage, la blonde se plonge dans l'histoire de la féminité et discute de l'histoire en profondeur.
Béatrice Dalle s'amuse à décrire le trio : "Malgré les apparences, Emmanuelle est plus le cow-boy. Moi, je suis comme le fou du village qui passe en chantant : je parle à tout le monde, je ne suis pas là pour faire la guerre. Emmanuelle, c'est ma princesse ; Virginie, c'est notre reine ; et moi, je suis Triboulet, le fou du roi François Ier."
Reçue par Nikos à l'antenne d'Europe 1, Emmanuelle Béart explique : "Personne ne peut rentrer dans Béatrice Dalle. C'est la personne la plus pure que j'ai rencontrée dans ma vie, je crois. Dans ce métier, de toute évidence. Je ne pense pas qu'elle ait lu le scénario, ça ne l'intéresse pas. (...) Elle est toute entière là, moi, pas toujours. J'ai pas le même truc que Béatrice. (...) C'est une énergie incroyable, y'a pas de conflit avec Béatrice." Au passage, elle parle de son rôle d'actrice perdue dans la pièce de théâtre Se trouver de Pirandello, mise en scène par Stanislas Nordey.
Le temps d'une interview accordée à Paris Match, les trois femmes se retrouvent pour assurer la promotion de ce film hors du commun, habité d'une énergie adolescente et d'une sincérité déconcertante. Virginie Despentes confie avoir puisé son inspiration du côté de John Waters et Pedro Almodovar, tandis que Béatrice Dalle lance : "Je crois que, avec nous trois à l'affiche, les gens s'imaginaient que ce serait forcément hardcore." Pour sa part, Emmanuelle Béart termine en douceur en avouant qu'elle ne pourra plus "sortir de la vie de Béatrice et Virginie, et elles ne pourront plus sortir" de la sienne.
Bye Bye Blondie, en salles le 21 mars.
Se trouver, au théâtre de la Colline de Paris jusqu'au 14 avril.
Retrouvez l'interview croisée de Virginie Despentes, Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle dans Paris Match, 15 mars 2012.