Le 6 mars dernier, pour Eric Zemmour, ce fut un dérapage incontrôlé. Invité sur le plateau de Salut Les Terriens, émission présentée par Thierry Ardisson, le chroniqueur de Laurent Ruquier dans On n'est pas couché est allé un peu loin... Beaucoup trop loin ? Face à François-Xavier Demaison, Rokhaya Diallo (militante anti-raciste et Présidente de l'association Les Indivisibles) et Bernard Murat, Zemmour s'est emporté et ses paroles ont fait naître une véritable polémique. "Les immigrés devraient faire l'effort de se fondre dans le moule français. Le pays est blanc et chrétien que vous le vouliez ou non", lance l'écrivain, mettant ainsi Rokhaya littéralement hors d'elle. Puis l'heure est à la phrase de trop : "Les Français issus de l'immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C'est un fait". Une phrase qui a plongé Zemmour dans une véritable tourmente médiatique...
Le CSA, saisi par de nombreuses ligues et association contre le racisme, s'en mêle. Rachid Arhab, l'un des "Sages" du Conseil, demande la mise en demeure de Canal+ pour avoir laissé passer une telle séquence. La polémique qui ne concernait alors qu'un seul homme semble toucher une plus large question : la censure de la liberté d'expression est-elle envisageable ? De son côté, Zemmour, attaqué par la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme), risque d'être licencié par le Figaro Magazine, où il est chroniqueur. Face à ce séisme médiatique, l'écrivain décide de s'excuser. Il écrit alors une lettre de quatre pages à la LICRA, affirmant qu'il "regrette que ses propos aient pu heurter".
A la lecture de cette dernière, la LICRA accepte un débat avec le chroniqueur. Prenant acte des regrets exprimés par ce dernier mais ne partageant pas pour autant ses réflexions sur la délinquance et les discriminations, la LICRA confirme son ouverture d'esprit et opte pour la confrontation d'idées. Mais le jour même, Eric Zemmour décline l'invitation de la chaîne BFM TV qui lui proposait un débat avec le président de la LICRA, Alain Jakubowicz, aujourd'hui à 12h30 dans l'émission de Ruth Elkrief. L'écrivain justifie ce refus par le fait qu'étant chroniqueur sur i>Télé, il ne peut apparaître sur la chaîne BFM TV. La LICRA, malgré tout, a décidé d'abandonner son action en justice.Zemmour peut compter sur le soutien de RTL. Pourtant, si la radio a déclaré "conserver toute sa confiance", le chroniqueur n'était pas à l'antenne ce matin. Vincent Parizot aurait expliqué qu'il aurait eu une panne de réveil ! En revanche, Zemmour était convoqué par la direction du Figaro Magazine lundi prochain. Prétexte à un licenciement déjà envisagé ou véritable choc ? En effet, le magazine aurait vu d'un mauvais oeil l'arrivée de Zemmour sur RTL, considérant ceci comme de la concurrence ? La raison officielle de cette convocation donnée par Etienne Mougeotte concernait cependant... ce dérapage. Contre toute attente, Le Figaro a finalement annulé la convocation d'Eric Zemmour, préalable à un licenciement, après avoir lu sa lettre d'excuses. La direction du quotidien et notamment Etienne Mougeotte, directeur des publications du Figaro, a écrit à l'éditorialiste : "Nous avons bien reçu votre lettre dans laquelle vous regrettez que vos propos dans l'émission de Thierry Ardisson sur Canal+ aient pu heurter. Nous prenons acte que vous n'avez jamais eu l'intention de stigmatiser certains de nos compatriotes. Du fait de ces mises au point, nous n'avons donc plus de raison de vous convoquer pour un entretien. Notre réunion du lundi 29 mars est donc annulée. Le Figaro est depuis toujours, profondément attaché à la liberté d'expression et au débat d'idées, à la condition que ceux qui s'expriment respectent les lois et les grands principes de la République. Nous prenons acte que vous êtes décidé à souscrire à cette double exigence".
Hier, en dehors du soutien de RTL, l'avocat général Phlippe Bilger avait "validé", en donnant des exemples, les propos de Zemmour :"Je propose à un citoyen de bonne foi de venir assister aux audiences correctionnelles et parfois criminelles à Paris et il ne pourra que constater la validité de ce "fait", la justesse de cette intuition qui, aujourd'hui, confirme un mouvement né il y a quelques années", précisant : "Tous les noirs et les arabes ne sont pas des trafiquants, mais beaucoup de ceux-ci sont noirs et arabes. Je précise, car rien dans ce domaine n'est inutile, qu'il y ait aussi des trafiquants ni noirs ni arabes est une évidence et ne me rend pas plus complaisant à leur égard". Pour M. Bilger, l'émotion suscitée par les propos de Zemmour s'explique par le fait que ce dernier a "dépassé une ligne que la bienséance et l'hypocrisie considèrent comme absolue".
De son côté l'association SOS Racisme continue de poursuivre Zemmour pour diffamation raciale et a assuré qu'elle "fera délivrer une citation directe à M. Zemmour avant la fin de la semaine". Quant à Thierry Ardisson, que Zemmour a accusé d'avoir tout manipulé, il aurait confirmé attaquer en justice l'écrivain pour diffamation.
Le séisme médiatique serait-il en voie de s'apaiser ?
Chloé Breen