Etienne Daho vient de recevoir une Victoire de la musique pour l'ensemble de sa carrière. Avec L'album Blitz, il partira en tournée cet été jusqu'en décembre. Il chantera notamment quatre soirs à l'Olympia. En attendant, son expo Daho l'aime Pop est toujours prisée à la Philharmonie de Paris. L'idole se raconte dans Numéro, en kiosques depuis le 23 février 2018, et parmi les sujets abordés, il revient longuement sur la "rumeur du sida" dont il a été victime dans les années 1990.
En 1987, Isabelle Adjani est contrainte de se rendre sur le plateau du JT de 20h de TF1, alors présenté par Bruno Masure, pour faire taire une rumeur : on la dit malade du sida et même déjà enterrée. C'est de devoir dire "je ne suis pas malade" comme si l'être "était un crime" qui la bouleverse. L'année suivante, elle déverse toute sa colère dans son interprétation de Camille Claudel, l'un de ses plus grands rôles. En 1995, Etienne Daho vit la même chose : "En regardant un documentaire sur Isabelle Adjani récemment, j'ai constaté à quel point cette rumeur l'avait affectée, tourmentée, et avait aussi bouleversé sa vie et la manière dont elle a abordé son métier par la suite. Il faut se rappeler qu'à l'époque, le sida était perçu comme la peste. Et si les ouï-dire à mon sujet étaient montés de toutes pièces, j'aurais clairement pu y passer avec la vie dissolue que je menais. J'étais un candidat désigné", raconte Etienne Daho dans Numéro.
Il est beaucoup plus concerné qu'il ne veut bien l'admettre
Le chanteur de 62 ans se souvient qu'en 1992, il avait produit un album caritatif : Urgence - 27 artistes pour la recherche contre le sida. Il se rappelle combien il avait été délicat de convaincre ses collègues : "Il y avait une telle omerta autour de la maladie que nombre d'artistes ont refusé d'y participer, par crainte d'être associés à ce fléau. Je m'en suis pris plein la gueule, mais j'avais une obligation morale de produire ce disque. Suite à quoi, les gens ont commencé à dire : 'Si la question le préoccupe tant, c'est qu'il est beaucoup plus concerné qu'il ne veut bien l'admettre.' Je suis passé entre les mailles du filet, mais de nombreuses personnes autour de moi n'avaient pas eu cette chance. Par respect pour elles, je ne me voyais pas prendre un clairon pour annoncer que j'étais séronégatif. Jamais je n'aurais fait une chose pareille."
Isabelle Adjani a tenté d'évacuer son traumatisme - en 1987, elle venait aussi de perdre un ami de cette maladie - dans Camille Claudel devant la caméra de Bruno Nuytten, le père de son fils Barnabé (né en 1979). Etienne Daho a fui la Dahomania et la rumeur en disparaissant à Londres. Là-bas, il publie l'EP Reserection avec le groupe anglais Saint Etienne. Nous sommes en 1995. En France, certains le croient mort alors que, de l'autre côté de la Manche, il est premier des charts. Il se produit même dans l'émission culte Top of the Pop avec He's on the Phone, la version anglaise remixée de Week-end à Rome interprétée avec Saint Etienne.
À cette époque, le premier Sidaction a presque un an. Celui qui a réuni 23 millions de téléspectateurs et récolté 45 millions d'euros pour la recherche, celui du fameux baiser de Clémentine Célarié qui a tant oeuvré pour changer les mentalités. Et pourtant, il reste tant à faire dans ce domaine... Pour Etienne, l'année 1996 est celle d'Eden, un album luxuriant et électronique, visionnaire, sans doute le préféré de son auteur. Les mauvaises langues se taisent enfin devant un Daho bien vivant qui chante : "Tout n'est que recommencement depuis que le monde est monde..."