La photographe Irina Ionesco, mère de la cinéaste Eva Ionesco, a été déboutée vendredi 7 août 2015 d'une demande de suppression de passages du prochain livre de l'écrivain Simon Liberati (époux d'Eva Ionesco). L'ultime épisode d'une saga judiciaire l'opposant à sa fille, ancien modèle de ses photos érotiques et sulfureuses.
Irina Ionesco, aujourd'hui âgée de 84 ans, jugeait que sept passages du livre Eva (en librairies le 19 août), constituaient des atteintes à sa vie privée. Des passages évoquant notamment sa santé, sa vie sexuelle, son rapport à l'argent ou sa consommation de haschich, ainsi que sa naissance d'origine incestueuse, sont mis en cause. La célèbre et controversée photographe parisienne avait saisi le juge des référés pour demander leur suppression, ou au moins l'insertion d'un encart dans le livre signalant l'atteinte à sa vie privée, ainsi que 40 000 euros de dommages.
Mais le magistrat l'a, tout en reconnaissant le caractère illicite de certains passages, déboutée de toutes ses demandes, estimant que la photographe avait elle-même ouvertement abordé certains détails de sa vie dans un roman autobiographique (L'Oeil de la poupée) paru en 2004. Sa fille avait également exorcisé ce lourd passé en racontant sa relation avec sa mère dans un film, My Little Princess (2011), dans lequel Irina Ionesco était campée par Isabelle Huppert. Le verdict a par ailleurs relevé que "l'ampleur de son préjudice peut également être apprécié au regard de son attachement à la vie privée d'autrui, en l'occurrence sa fille âgée de 4 à 13 ans, dont les photos dénudées ont été commercialisées de nombreuses années".
En décembre 2012, Irina Ionesco avait déjà été condamnée à verser 10 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte au droit à l'image et à la vie privée de sa fille Eva. Celle-ci avait assigné sa mère en justice au sujet des clichés réalisés alors qu'elle était âgée de 4 à 12 ans, certains ayant depuis revêtu un caractère pédopornographique. "J'ai photographié ma fille avec beaucoup d'innocence et dans l'absence de culpabilité. Eva est l'amour de ma vie, et les photos que j'ai faites d'elle sont parmi mes plus belles. Je ne peux pas me renier. Mais ces photos sont liées à ma fille", déclara Irina Ionesco pour sa défense.
Dans cette étrange relation entre une mère et sa fille, il reste aux yeux de la justice une victime et une coupable, ni plus ni moins. "Pendant des années, je n'ai pas eu de regard sur mon histoire. Dans le milieu, j'étais d'abord la fille d'Irina Ionesco, et j'étais très attaquée si je disais simplement que ses photos dénudées, aussi poétiques soient-elles, et pour certaines, très crues, m'avaient fait du mal, commentait Eva Ionesco en 2012. Très tôt, je me suis sentie en friche, le corps attaqué dans son intimité, c'était 'no future', aucun avenir amoureux possible. On me rétorquait : 'Comment oses-tu t'en prendre à l'oeuvre de ta mère ?' Mais j'aurais aimé un droit de parole. Ne pas être prisonnière de ces photos qui ont un effet chamanique." Pour Irina, il y a eu "un problème de diffusion". "Peut-être que si elles avaient été montrées de manière très confidentielle, dans une galerie, cela n'aurait pas été aussi difficile à vivre", avait-elle déclaré. Comble du malsain, sa fille Eva posa, à 11 ans, entièrement nue pour l'influent magazine Der Spiegel.
C'est donc une nouvelle défaite pour Irina Ionesco, qui avait précédemment reçu l'interdiction de toute nouvelle commercialisation de ses clichés, alors qualifiés par les magistrats de photos "d'une très jeune enfant ou d'une toute jeune fille, sexualisées de façon malsaine et au caractère dégradant pour celle-ci". Irina Ionesco avait alors invoqué la liberté de création artistique, en vain...