La bombe hollywoodienne qui cherche à outrepasser sa condition de belle plante trouve dans le cinéma d'horreur un terrain d'expérimentation capable de transcender sa plastique. Déphasée des superproductions après ses sprints chez Michael Bay, Megan Fox s'était essayée à la chose dans Jennifer's Body (2009) de Karyn Susama, où elle incarnait une succube sexy bien décidée à désosser ses amants. Résultat improbable voire inconsistant, la belle s'est reconvertie dans la comédie. Mais la formule n'est pas morte, loin de là. Peste blonde dans la série 90210 depuis quatre ans, AnnaLynne McCord s'est immiscée dans le cinéma underground avec Excision de Richard Bates Jr., relecture de l'adolescence made in trash présentée à L'Étrange Festival de Paris. Ou une occasion unique pour l'actrice de se révéler dans la peau d'une fille un brin désaxée, fascinée par la chair.
Enième exploration de l'adolescence, la famille, les amours et la puberté avec une star du petit écran, Excision annonce dès son titre ses ambitions politiquement incorrectes, amorcées dans le court-métrage éponyme réalisé par le même Richard Bates Jr. il y a quatre ans. Au premier abord, le film aborde la vie d'une adolescente boutonneuse et déphasée nommée Pauline, incapable de trouver une quelconque place dans son lycée et sa famille, illuminée par sa petite soeur bien plus belle qu'elle. Bienvenue dans l'âge ingrat (1995) de Todd Solondz avec quelques années de plus et une blonde dans le premier rôle donc. Aux détails près que la petite soeur est atteinte de mumucoviscidose, que Pauline méprise trop la normalité pour s'y conformer et fantasme chaque nuit sur des corps dépecés, qui confirment sa vocation de chirurgienne.
L'histoire démarre avec son désir d'explorer la sexualité, expérience comme une autre dans sa curiosité pour la chair et le sang. Rassasiée avec un pauvre looser à la mode qu'elle traumatise, elle décide vite d'écouter ses pulsions pour réparer sa famille et les fautes du destin, armée de couteaux de cuisine en guise de bistouris. La conclusion de ce conte morbide est d'une noirceur déchirante, émaillée d'une peinture de la famille américaine héritée du white trash - l'idée d'habiller le cinéaste John Waters en prête n'en est que plus réjouissante. Attaché au point de vue de Pauline, le film en oublie presque de cibler sa psychose derrière un paravent d'humour délicieux, laissant la dernière séquence étaler sa folie meurtrière dans un recoin de la demeure familiale.
Vraisemblablement prête pour les vraies expérience, AnnaLynne McCord pose sa panoplie de bombe pour endosser celle de pauvre fille - acné, cheveux gras, posture anti-féminine et mine de cadavre. Coincée dans un corps d'ado unidimensionnel, elle s'émancipe chaque nuit dans un univers pop-gore peuplé de cadavres découpés qu'elle dompte à moitié nue, déesse sanguinolente qui rappelle son rôle de nympho furieuse dans la série chirurgicale Nip/Tuck (2007-2009). Face à elle, le réalisateur Richard Bates Jr. s'est payé l'ex pornstar Traci Lords, l'Orange Mécanique Malcolm McDowell, le Twin Peaks Ray Wise et l'iconoclaste John Waters, fantômes de circonstance utilisés comme balises dans ce premier film prometteur, reparti bredouille de L'Étrange Festival après avoir confirmé que McCord est prête à ouvrir une nouvelle page de son histoire de midinette.
Geoffrey Crété