Rude début d'année 2013 pour la famille royale belge... Déjà placée dans une situation inconfortable par certains aspects politiques du discours de voeux du roi Albert II de Belgique ainsi que par l'augmentation du montant de la liste civile, à l'heure où les autres monarchies restreignent leur train de vie, elle a vu un nouveau sujet à scandale faire irruption dans les colonnes du journal De Morgen...
Un patrimoine colossal et une fondation en question
Le quotidien flamand s'est penché sur le cas du Fons Pereos, projet de fondation de la reine Fabiola, 84 ans, veuve du roi Baudouin, pour notamment soutenir ses neveux et nièces, et a constaté que certaines de ses dispositions étaient contraires aux limitations fixées par la loi de 2002 sur les fondations, notamment l'interdiction de distribuer de l'argent à ses administrateurs - ceux du Fons Pereos sont éligibles à rétribution et peuvent être employés comme salariés ou experts indépendants, selon les statuts de la fondation. "Certaines dispositions de l'acte constitutif relatives, notamment, aux administrateurs et à leur rémunération sont diamétralement opposées aux limitations fixées par la loi de 2002 sur les fondations", avait affirmé dans De Morgen Philippe Verdonck, un ancien membre du cabinet du ministre de la Justice Marc Verwilghen (Open VLD) qui a co-écrit la loi de 2002 sur les fondations. Même le Premier ministre socialiste Elio di Rupo a fait entendre sa voix à ce chapitre, exprimant ses craintes quant à l'établissement de cette nouvelle fondation, qu'une partie de l'opinion voit comme un moyen d'évasion fiscale pour la reine Fabiola, qui perçoit depuis vingt ans et la mort de Baudouin une dotation royale de courtoisie - soit 37 millions d'euros sur cette période, sans compter ce dont elle a hérité de son époux. Or, n'ayant pas d'héritier direct, l'octogénaire pourrait transmettre son patrimoine via des actions philanthropiques et autres, plutôt que de voir sa fortune assujettie à 70% d'imposition (barème dans le cas d'un transmission à des héritiers non-directs).
Les avis divergent, la désapprobation règne
L'affaire a fait tache d'huile, et plusieurs spécialistes sont intervenus pour donner leur avis : "Une fondation ne peut procurer un gain matériel ni à ses fondateurs ni à ses administrateurs", a confirmé un avocat spécialisé cité par RTL.be, qui considère qu'il y a infraction. Un confrère n'est pas du même avis : "Dans une fondation, il est normal de toucher une rémunération, y compris pour les administrateurs, sinon il n'y aurait que des bénévoles. Mais il faut que la rétribution soit compatible et proportionnelle aux services rendus", estime pour sa part Me Thierry Afschrift. Et de préciser : "Pour l'instant, elle est encore trop récente pour que ce soit le cas. Ensuite, comme toute société, elle devra publier ses comptes."
Echaudé par les remarques le ciblant dans le récent discours du roi Albert, le parti indépendantiste N-VA s'est engouffré dans la brèche en fustigeant les libertés prises par la reine avec l'argent public : pour le député Theo Francken, "la famille royale confond argent public et fortune privée (...) et cette confusion des avoirs n'est possible que parce qu'il n'y a pas de contrôle de l'utilisation de la dotation par la Cour des comptes", rapporte La Dernière Heure. Il estime en effet que l'argent provenant d'une dotation ou de la liste civile doit servir à l'exercice de la fonction de qui la perçoit, et ne peut être considéré comme de l'argent "privé". A l'inverse, le constitutionnaliste Christian Behrendt juge que l'Etat n'a "aucun droit de regard" sur le patrimoine de Fabiola : "L'Etat met cette dotation à disposition de la reine et n'a pas vocation a récupérer ensuite l'argent public. (...) Seule la Liste civile du Roi Albert II est réellement inscrite dans la Constitution. (...) Le Parlement vote les montants de dotation, mais n'a pas pour vocation à récupérer, d'une manière ou d'une autre, ce qui a été accordé." M. Behrendt ajoute que cette option en matière de succession est un mécanisme "prévu par le législateur qui estime pouvoir, sous certaines conditions, accorder des avantages", mais rappelle qu'un conseil d'administration sera en charge de contrôler l'activité de la fondation.
La reine Fabiola répond mais n'éteint pas l'incendie
Face au tollé général provoqué par ce dossier, la reine Fabiola a publié via son avocat un communiqué pour s'expliquer : "Aujourd'hui tout l'argent de la dotation est utilisé pour les dépenses de ma maison dont le poste principal est constitué par les traitement du personnel", affirme-t-elle, indiquant que "la fondation ne sera financée que par des biens personnels" issus de sa branche paternelle et en aucun cas par de l'argent de la dotation". "J'ai conservé tous ces biens jusqu'à aujourd'hui pour pouvoir alimenter ma fondation. J'y mets l'argent de la vente de ces biens puisque je n'ai pas moi-même d'enfant en ligne directe", précise-t-elle encore. "De nombreuses personnes l'accusent d'utiliser l'argent public à mauvais escient. La création de sa fondation est pourtant tout à fait légitime, complète son avocat. Un des statuts de 'Fons Pereos' énonce également la volonté de promouvoir la mémoire du roi Baudouin, ce que la Reine ne cesse de faire depuis des années."
Malgré cette tentative d'apaisement, la classe politique gronde quasi unanimement, et une révision du système de dotation, ou du moins un contrôle opéré par une instance indépendante, est plus que jamais dans l'air du temps. Sur Facebook, le vice-Premier ministre Lautrette Onkelinx écrivait : "Le décalage est immense entre les efforts demandés à la population suite à la crise financière et les pratiques fiscales de la reine Fabiola ; entre l'excellent discours du Roi contre le populisme et le manque d'exemplarité d'un membre de la famille royale. A titre personnel, je demande qu'un geste fort soit posé par la reine Fabiola pour réconcilier les discours et les pratiques. Reine de tous les Belges depuis bientôt 53 ans, il est aussi indécent que des moyens publics qui lui ont été alloués pour assumer cette fonction, puissent uniquement servir - après son décès - des intérêts familiaux et religieux."
Avec un tel début d'année, la reine Fabiola peut d'ores et déjà se préparer à recevoir à nouveau des menaces lors de la prochaine Fête nationale. Et si l'affaire a envahi tous les médias et tous les plateaux télé, certains ne manquent pas de tourner le sujet en dérision, comme ce journaliste (Pascal Vrebos) de l'émission Controverse sur RTL-TVI qui, jouant le rôle de la reine, fait un lapsus croustillant (à voir dans notre player) : au lieu de "fondation", "fellation".