Cette nuit, la mer est noire. C'est le titre du dernier ouvrage de Florence Arthaud, tragiquement décédée le 9 mars dernier dans un accident d'hélicoptères sur le tournage de l'émission Dropped en Argentine aux côtés d'Alexis Vastine, Camille Muffat et sept autres personnes. Un ouvrage biographique bouclé quelques jours avant son départ pour l'autre côté de l'Atlantique, cet océan dont elle était "la fiancée".
Florence Arthaud, vainqueur de la Route du rhum en 1990 et l'une des rares femmes dans un milieu marin masculin, revient notamment sur cette nuit tragique du 29 au 30 octobre 2011 durant laquelle elle aurait pu perdre la vie en tombant à l'eau au large de la Corse. "Le diable n'a pas voulu de moi", confiait-elle en novembre 2011 au Parisien, qui publie aujourd'hui quelques extraits de Cette nuit, la mer est noire, publié chez Arthaud, du nom de son arrière-grand-père qui avait fondé cette maison d'édition spécialisée dans les récits d'aventures.
Son récit, glaçant, transpire l'angoisse d'un marin tombé à l'eau après avoir basculé de son bateau, secoué par une puissante vague. "Je suis dans l'eau, il fait nuit noire. Je suis seule, écrit Florence Arthaud. Dans quelques instants, la mer, ma raison de vivre, va devenir mon tombeau. Effacer toute trace de mon existence. M'engloutir." Et la navigatrice de poursuivre : "Je ne veux pas mourir, (...) connaître cette chose affreuse qui vous frôle dans les situations extrêmes qu'on appelle mort. (...) Je suis foutue. L'image de ma fille Marie m'apparaît et m'obsède." Elle pense à cette petite rousse de 18 ans qui "va être orpheline", lorsqu'elle tombe sur son téléphone portable étanche qu'elle n'avait pourtant jamais l'habitude de porter sur elle. Elle joint sa mère, qui prévient les secours, avant que son petit frère ne la rappelle pour la prévenir de leur arrivée. Des heures à attendre, jusqu'à perdre espoir.
"Je vais donc rejoindre le ciel. Ce ciel peuplé de milliards d'étoiles, de galaxies inconnues, d'amour, de bonheur et d'éternité", écrit-elle, résignée, quand la lumière de l'hélicoptère venu la secourir apparaît dans la nuit noire. "Aujourd'hui, j'ai conscience que j'aurais pu - que j'aurais dû - mourir, et cela me touche profondément", analyse-t-elle, ce qui, selon elle, l'"oblige à témoigner". Car cette nuit noire, Florence Arthaud a dû affronter sa "seule vraie terreur" : "la crainte de mourir". La seule raison pour elle de "s'effrayer". "La vie est un cadeau, il faut la vivre pleinement et croire toujours en son destin", poursuit-elle.
Cette femme "passionnément amoureuse de la vie, de la création, des êtres" confie avoir "mené une existence bien remplie, un peu tumultueuse", dans laquelle aucun homme n'aura su la combler "autant que l'océan" : "C'est la mer qui me fait vibrer, l'océan qui m'emporte."
Aujourd'hui, Florence Arthaud laisse une jeune fille rousse de 21 ans, Marie, orpheline, comme elle le craignait dans la nuit noire de la Méditerranée. Pourtant, pour elle, la navigatrice n'avait jamais changé sa façon de vivre comme elle s'en explique dans son ouvrage : "Moi, j'ai toujours pris les mêmes risques. On peut d'ailleurs mourir en tombant dans les escaliers ! (...) Mes absences, les risques courus, n'ont en rien nui à l'équilibre de ma fille. Elle a reçu de moi autant d'amour que de n'importe quelle autre mère dont la vie aurait semblé plus normale."
Cette nuit, la mer est noire, de Florence Arthaud en collaboration avec Jean-Louis Bachelet, aux éditions Arthaud, en librairie le 19 mars 2015