Son histoire pourrait se retrouver sur le bureau d'un grand réalisateur d'Hollywood. Mais dans la vraie vie, Frédéric Levesque risque cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende. Son tort ? Avoir voulu satisfaire les besoins des stars en détournant l'argent d'autres stars...
Des bancs de la fac au show-biz
L'histoire incroyable de ce banquier d'une quarantaine d'années est révélée dans les moindres détails par Vanity Fair dans son édition de février 2014. Aussi surprenant que tragique, le destin de Frédéric Levesque n'a rien d'une trajectoire rectiligne.
D'origine modeste, Frédérique Levesque intègre le monde de la banque après un DEUG de langue et gravit peu à peu les échelons. La suite, il l'écrira à 27 ans à Los Angeles, au sein d'une boîte de production, propriété d'un Américain rencontré lors d'une soirée chez des amis. "L'une des plus belles périodes de ma vie", confie-t-il à ses proches. Il gère les contrats des stars, profite de la Cité des anges et de toutes ses possibilités. Mais le cancer de sa mère le pousse à rentrer en France pour passer les derniers mois auprès d'elle, jusqu'à sa mort. Plus question de revenir en Californie, son père a besoin de lui. Adieu Los Angeles, bonjour la BNP.
Il intègre la Banque de la Cité, une filiale de la BNP spécialisée dans l'audiovisuel et le cinéma. Le boulot parfait pense-t-il, entre gestion financière et gestion des stars. Le charme opère. Frédérique Levesque sait se rendre indispensable à ses divas du show-biz : "Si on leur refuse la moindre chose, les artistes menacent aussitôt d'appeler le patron de la banque pour vous faire virer."
Festival de Cannes et petites combines entre stars
Dans ses petits papiers, Isabelle Adjani, Olivier Martinez, Rupert Everett ou encore Monica Bellucci. Il joue aussi bien les banquiers que les oreilles attentives, résout les petits tracas comme les gros soucis financiers. Petit à petit, il intègre le monde de la jet-set, suit ses clients à Cannes lors du Festival, se retrouve dans les coulisses des Césars, dîne dans les plus grands restaurants de la capitale. Si bien que lorsque la Banque de la Cité ferme, il retrouve immédiatement un emploi au sein de Fideuram Wargny, entreprise bien connue sur la place de Paris, dont la réputation en matière de gestion de fortunes n'est plus à faire.
Mais la maison ne fait pas crédit. Pour faire plaisir à ses célèbres clients qui l'ont suivi, Frédérique Levesque décide alors de piocher dans le compte "dormant" d'un de ses clients, Michel Reichert, un compte de 2 millions d'euros...
Kylie Minogue et Rolex
Employé modèle, figure du gendre idéal, il attire de plus en plus de clients célèbres, à l'image de Thomas Langmann. Grâce à son client et ami Olivier Martinez, il rencontre son idole, Kylie Minogue qui ira jusqu'à lui offrir une Rolex en or gravée à ses initiales selon ses dires. Mais Vanity Fair révèle que l'angoisse s'empare peu à peu de Frédéric Levesque. "J'ai commencé à être dépassé quand certains clients n'ont pas remboursé", confiera-t-il aux enquêteurs, citant le cas de la réalisatrice Josée Dayan : "À la suite d'un différend avec un associé, elle a clôturé son compte au sein de la banque sans restituer les 59 880 euros qu'elle devait." (Vanity Fair précise que contactée par le magazine, la réalisatrice n'a pas souhaité répondre).
Pour autant, pas question de démissionner. Et encore moins de révéler ses manipulations, qui lui vaudraient un licenciement direct et la perte de son statut privilégié et... forcement des poursuites pénales.
Descente aux enfers
En 2006, il file à la concurrence, chez Dexia, puis termine chez Neuflize six mois plus tard. À chaque fois, sa clientèle qui compte Isabelle Adjani, Juliette Binoche et Monica Bellucci, le suit les yeux fermés. Sa combine également. Elle le poursuit, le hante. Les dettes s'accumulent, comme Magloire, qui doit plus de 300 000 euros, et Frédéric Levesque se voit obliger de piocher dans de plus en plus de comptes et le compte de Michel Reichert est vide depuis bien longtemps.
Si bien qu'en 2010, Samy Naceri constate un trou dans sa trésorerie de 55 403 euros, un reliquat des droits sur les films Taxi. Plainte est déposée, mais classée sans suite lorsque le banquier expliquera aux enquêteurs ce manque par une mauvaise manipulation ayant entraîné une erreur d'écriture, un chèque falsifié du compte de Samy Naceri au nom de Bruno Gaccio ayant pourtant été découvert... les policiers ont été bien arrangeants.
L'avocat d'Olivier Martinez entre autre - il était le témoin de mariage de Halle Berry le 13 juillet 2013 dans un château de l'Yonne -, Maître Emmanuel Asmar qui avait reçu Levesque dans son cabinet confie que deux choses le gênaient chez lui, sa manie de tutoyer tout le monde et de citer ses clients les plus célébres. Il lui a un jour demandé s'il connaissait le sens de l'expression "secret bancaire". "Comment a-t-il pu imaginer que son plan marcherait ? s'étonne l'avocat en regrettant de n'avoir pas eu ses soupçons éveillés quand un ami agent, lui a raconté que Levesque en 2007, lui avait trouvé 120 000 euros en deux heures !
En décembre 2010, la direction de Neuflize met un terme à son contrat pour avoir fabriqué un faux certificat de dépôt au nom de Frédéric Joly, animateur de Pink TV. Il a cinq minutes pour quitter son bureau, et ne pourra pas récupérer son fichier Exel sur lequel il tient les comptes de ses débiteurs et de ses manoeuvres frauduleuses. Par la suite, il tentera bien de retrouver un job, sans succès. Le message est passé, des consignes ont été données par Neuflize à la concurrence.
Nouvelle arnaque
En mars 2011, acculé, il monte une nouvelle combine. Monter une société de courtage afin d'attirer des investisseurs, et disposer d'argent pour rembourser Michel Reichert qui s'est rappelé à son bon souvenir. Il loue même des bureaux dans les locaux parisiens de l'agent d'Isabelle Adjani sous le nom de Signature Gestion et Patrimoine.
Séduit, Alexandre Arcady qui était déjà son client auparavant, lui confie son argent. Tout comme Mylène Demongeot, qui vient de vendre sa maison de Porquerolles et dispose d'une somme de 1,6 million d'euros. "Il avait l'air sérieux", expliquera-t-elle plus tard aux enquêteurs. Idem pour Olivier Martinez, qui a entièrement confiance en celui qui fut un intime de son ex Kylie Minogue et que Juliette Binoche avait présenté à l'heureux papa. La combine est sur le point de réussir et Frédéric Levesque commence à virer l'argent sur un compte au nom de Michel Reichert. Mais Tracfin, la cellule anti-blanchiment d'argent de Bercy pointe du doigt les mouvements suspects et une enquête est lancée.
Menaces et garde à vue
En mai 2012, en plein Festival de Cannes Frédéric, Levesque reçoit des menaces d'Alexandre Arcady qui souhaite récupérer son argent. Des menaces qui le poussent à collaborer à l'enquête. Il veut "être entendu au plus vite". Cinq jours plus tard, il est placé en garde à vue, puis mis en examen pour faux, abus de confiance et escroquerie.
Au total, il aurait détourné près de 6 millions d'euros, mais n'aurait profité que de 20 000 euros à des fins personnelles, pour remplacer une voiture tombée en panne. "Je voulais aider les gens et j'ai été pris dans un engrenage", se justifiera-t-il. Son erreur ? Avoir accordé "une confiance illimitée" à ses clients stars, "en leur prêtant des grosses sommes d'argent sans aucune assurance d'être remboursé, de façon puérile et irresponsable", explique le médecin qui a réalisé les expertises psychiatriques.
Trop gentil, en somme... mouais.
Mais les banques dans lesquelles il a travaillé en tant que salarié devraient être appelées en garantie par les plaignants... sinon, qui va rembourser ces sommes astronomiques ?
Toutes les personnes citées sont présumées innocentes des faits qui leur sont reprochés jusqu'au jugement définitif de cette affaire.
Le banquier qui aimait (trop) les stars, l'incroyable histoire de Frédéric Levesque à retrouver dans Vanity Fair de février 2014