Le 7 janvier 2021 est paru le livre de Camille Kouchner, La Familia Grande (aux éditions du Seuil). Un ouvrage dans lequel la juriste accuse son beau-père Olivier Duhamel, d'avoir agressé sexuellement son frère jumeau. En découvrant les faits, Olivier A. a eu comme un électrochoc comme il l'a confié au Monde. L'homme de 48 ans a donc souhaité déposer plainte le 8 janvier auprès du procureur de Paris contre son oncle, le célèbre producteur de télévision Gérard Louvin, et son mari Daniel Moyne, pour des faits de viols et complicité de viols par ascendant dont il aurait été victime lorsqu'il était mineur.
Gérard Louvin et son époux sont visés par une plainte pour "viols sur mineur de moins de 15 ans par ascendant", "complicité de viols sur mineur de moins de 15 ans par ascendant" et "corruption de mineurs" pour des faits qui seraient survenus quand le neveu du producteur de 74 ans avait "10-11ans". Dans le document que s'est procuré Le Monde, il dit avoir été victime de "nombreux actes d'agression sexuelle qui se sont aggravés jusqu'à l'âge de 14 ans". Selon la plainte, il a "dans un premier temps été victime de caresses et de masturbations. Puis, il aurait été victime d'abus plus graves puisqu'il affirme avoir été obligé de pratiquer des fellations sur la personne de Daniel Moyne". Une situation qui l'a "détruit".
Olivier A. sait que les faits sont probablement proscrits mais il aurait souhaité déposer sa plainte notamment pour entamer un processus de reconstruction personnelle et être reconnu comme une victime. "Mais aussi pour savoir s'il y a eu d'autres victimes", a précisé Me Debuisson. De son côté, Gérard Louvin a assuré que tout était faux. "Je n'ai pas grand-chose à me reprocher, mais c'est une histoire d'argent", a-t-il confié.
Avant ses 10 ans, Olivier A. explique avoir de tendres souvenirs d'enfance avec Gérard Louvin et son mari Daniel. Il est notamment parti en vacances avec le couple et a ensuite passé des week-ends chez eux. "Très vite, je ne pourrais pas vous dire si c'est le premier ou le deuxième week-end, ça a commencé. Daniel est allongé à côté de moi. Avec ses caresses, il réveille mon corps. Je peux le dire aujourd'hui, j'ai une érection. Je découvre ça, c'est mécanique. Il doit sentir ça. Il prend ma main, la met sur son pénis, sur son érection. Il est en caleçon. Il me montre comment on masturbe, je ne sais pas tout ça. Je ne sais plus si c'est ce soir-là où il met ma tête... Tout est arrivé petit à petit. C'est plutôt silencieux", raconte Olivier. La scène se répète et très vite, il se rend compte que ce qu'il se passe n'est pas normal. "Mais je sais que je dois lui faire plaisir. C'est devenu rituel, normal", ajoute-t-il.
Olivier raconte n'avoir rien raconté à ses parents ou à son frère dans un premier temps. Les agressions sexuelles se seraient donc poursuivies et certaines auraient eu lieu dans le sous-sol de sa maison, lors de déjeuners. Aurait alors débuté une descente aux enfers pour le neveu de Gérard Louvin, entre échecs scolaires, drogues et envies suicidaires.
Ce serait au milieu des années 2000 qu'Olivier aurait parlé pour la première fois de ce qu'il aurait subi, lors d'une thérapie familiale organisée pour son petit frère. "Au début, je ne voulais pas y croire. Je n'associais pas l'idée de mon frère, que j'admirais, et celle d'un pédophile. C'est ce que j'ai dit à mon psy : je n'arrivais pas à mettre les deux photos l'une à côté de l'autre. Et comme Olivier ne m'en parlait plus, ça m'arrangeait sûrement. Vous savez ce que j'ai cru à l'époque ? Et ça je m'en veux, je l'ai dit à Olivier. J'ai eu peur, sur le coup, qu'Olivier accentue des petits trucs qu'il avait peut-être vécus pour se déculpabiliser de ses vingt-cinq ans de galères dont il sait que j'ai souffert", a confié sa maman au Monde. A l'époque, elle travaillait pour Gérard Louvin et aujourd'hui, elle s'en veut d'être retournée au travail après les révélations de son fils. C'est en 2014 qu'elle aurait eu une prise de conscience, quand Olivier lui a raconté "de A à Z" les violences sexuelles qu'il dit avoir subies. Une histoire également racontée aux enquêteurs de la brigade des mineurs. Gérard Louvin et Daniel Moyne auraient été entendus fin 2015, en audition libre. La procédure aurait été classée sans suite le 5 septembre 2016 par le parquet de Paris, pour cause de prescription.
"Aujourd'hui, pour moi, Gérard est rayé. Je veux qu'il paie pénalement, qu'il répare. Daniel, je ne veux même pas en parler. Comment mon frère pouvait-il mettre mon fils dans la gueule du loup ?", s'est indignée la maman d'Olivier. Ce dernier aurait demandé à l'été 2020 une "réparation" à son oncle, qui lui a, selon ses dires, proposé une donation, sans reconnaître les faits. Il aurait ensuite envoyé plusieurs mails à Gérard Louvin et son mari, dont un pour leur dire qu'ils avaient "ruiné/brisé plus de trente ans de [sa] vie".
Contacté par Le Monde, l'avocat de Gérard Louvin, Me Christophe Ayela, explique que son client "a toujours été proche, en très bonne entente, avec son neveu, et Daniel également. Gérard Louvin a toujours été là pour Olivier, il lui a donné du boulot et l'a aidé dans sa carrière. Il est sidéré de voir qu'il est sous le coup de menaces de la part d'Olivier". Le conseil estime que le producteur "est victime d'un chantage permanent à l'argent de la part d'Olivier, parce qu'il pense que Gérard est très riche, donc il lui demande de l'argent sous peine de déposer plainte. Récemment, il a pris un avocat qui a demandé 750 000 euros. Mais Gérard Louvin refuse de céder à ce chantage". Concernant les accusations, l'ancien chroniqueur de Touche pas à mon poste "conteste avoir par passivité ou complicité laissé faire quoi que ce soit, et encore moins avoir encouragé quoi que ce soit. Il conteste absolument avoir fermé les yeux sur ce qui aurait pu se passer à cette période. Ce qui s'est passé avec Olivier et d'autres personnes, ça ne le regarde pas." Daniel Moyne, par le biais de son avocate Céline Bekerman, "nie évidemment les accusations en bloc."
Gérard Louvin et Daniel Moyne restent présumés innocents des faits qui leur sont reprochés jusqu'à une éventuelle condamnation.