À 71 ans, qu'elle a fêtés la semaine dernière,Mireille Dumas n'a pas du tout la tête à la retraite. Ouverture d'une chaîne YouTube il y a un an, productions régulières de documentaires, retrouvailles filmées avec d'anciens témoins de ses émissions... après des vacances reposantes dans sa maison en Corse, la journaliste s'est remise au travail. Pour Purepeople, qui vient de la rencontrer dans les bureaux de sa boîte de production dans le XVème arrondissement de Paris, après avoir évoqué son actualité, son paradis sur l'île de beauté et Dominique, l'homme de sa vie, Mireille Dumas, a accepté de se replonger dans ses souvenirs télévisuels.
Partie 3 : Mireille Dumas, le monde difficile de la télé, ses rencontres les plus émouvantes
Avez-vous, en tant que femme, été confrontée à des situations délicates dans ce milieu de la télé ?
Oh oui, bien sûr. J'ai dû m'opposer à des avances et à des comportements inappropriés. Il m'est même arrivé une fois de gifler un homme trop entreprenant. C'était un moment très dérangeant, et je n'avais pas d'autre choix que de réagir immédiatement. Mais cela est resté marginal. Malheureusement, beaucoup de femmes n'ont pas les ressources nécessaires ou la position sociale pour se défendre.
Vous avez dirigé des équipes importantes pendant votre carrière. Comment vous définiriez-vous en tant que patronne ?
Je n'aime pas vraiment ce terme de "patronne". J'ai toujours cherché à établir des relations de confiance et d'égalité avec les personnes qui travaillent avec moi. En revanche, je suis quelqu'un de direct, donc si quelque chose ne va pas, je le dis immédiatement. Mais une fois que c'est dit, on passe à autre chose, sans rancune. (NDR Elle interpelle Arnaud, son collaborateur depuis 30 ans, assis dans un bureau à côté "Hein Nono, si tu m'emmerdes, je te le dis n'est-ce pas ?" Réponse de l'intéressé. "Oui Mireille, moi aussi, si tu m'emmerdes, je te le dis...") Quand je produisais des émissions récurrentes avec de grosses équipes, parfois il y avait de vraies tensions et je devais être plus ferme et moins joviale.
Quels ont été les moments forts de votre carrière avec des célébrités ?
Il y en a eu tellement avec Guy Bedos, Françoise Hardy, Mireille Darc, Johnny Hallyday ou Fabrice Luchini parlant du couple ou bien encore Bernard Tapie sur son itinéraire ... Beaucoup ont surmonté des blessures d'enfance. Le récit de Kad Merad en dit long lorsqu'il a raconté l'histoire de son père algérien qui a changé de prénom pour travailler quand il est arrivé en France et comment sa mère, française, a insisté pour donner à ses enfants des prénoms algériens pour ne pas perdre leurs racines. Mais le plus marquant est que Kad a galéré au début de sa carrière parce qu'il s'appelait alors Kaddour. Il a raté l'un de ses premiers rôles. Le producteur avait dit que ce nom ne convenait pas pour l'affiche. Dany Boon a aussi évoqué des moments forts en parlant notamment de sa mère qui était très jeune à sa naissance et pas encore mariée avec son père kabyle. Il a raconté comment sa famille a été rejetée à cause de cela, et comment, à l'âge de 15 ans, il se demandait s'il était responsable de ce rejet. Mais il y a eu aussi des moments inoubliables d'humour, de rire avec eux tous. Je pense en particulier aux retrouvailles surréalistes entre Michel Galabru et Claude Gensac, l'épouse de Louis de Funès au cinéma ou Charles Aznavour avec Annie Cordy ou bien encore Jonathan Lambert prenant ma place pour interviewer Valérie Lemercier .
Vous évoquez aussi souvent Bernard Giraudeau ?
Oui, lorsqu'il a parlé de son cancer, il expliquait comment cette maladie l'avait presque "sauvé", en le forçant à quitter le paraitre dans lequel il vivait en tant que comédien pour découvrir une plus grande vérité. Il était d'une sérénité incroyable, disant qu'il voyait cette épreuve comme une seconde chance, une opportunité d'être au plus près de lui-même, après avoir vécu dans les apparences. Il avait tenu à témoigner de nouveau trois mois avant sa mort. Il avait parlé de la méditation et de son futur voyage qu'il espérait encore plus beau que celui ici- bas.
Les mots de Jean-Louis Trintignant sur Marie Trintignant vous ont aussi aidée, personnellement...
Jean-Louis Trintignant m'avait demandé de ne pas aborder la question de la mort de sa fille Marie, à moins qu'il n'en parle lui-même, ce qu'il a finalement fait. Il avait alors confié avoir pensé au suicide après la perte de Marie, et m'avait dit que si l'on décidait de vivre après un tel traumatisme, il fallait aussi décider que l'on pouvait encore être heureux.
En quoi ces paroles vous ont touchée ?
Quand Antoine (NDR : Le fils de son mari Dominique, qu'elle avait élevé comme le sien) nous a quittés quelques mois après cette émission, j'ai souvent repensé à cet échange. Quand on perd un enfant, la déflagration est telle que l'on s'en veut d'être en vie, on culpabilise de n'avoir pas pu le protéger. Un jour, des mois après sa disparition, on se surprend à rire de nouveau. Et on se sent coupable. Pourtant, il faut accepter ces moments de joie malgré le chagrin au plus profond de soi et se dire effectivement qu'on peut encore être heureux.
Vous avez gardé des liens avec beaucoup de personnalités ?
Ce sont des liens tissés au fil du temps. Il y a ceux qui sont devenus des amis comme Guy Bedos, aujourd'hui disparu, et d'autres avec lesquels j'ai partagé des moments d'une grande intensité. Je pense à Véronique Sanson, Pierre Palmade, Jacques et Thomas Dutronc (Françoise Hardy bien évidemment) ou Yannick Noah. Même si je ne les vois pas souvent, à chaque fois, c'est comme si nous avions parlé la veille. C'est la même chose avec Dany Boon qui a fait son premier grand entretien avec moi pour Bas Les Masques dans les années 90. De manière générale, ces moments d'échange authentique nous ont marqués et les uns et les autres.
Pensez-vous continuer à travailler encore longtemps ?
Tant que j'ai l'envie, oui ! Ce n'est pas une question d'âge mais d'énergie et de curiosité. Je suis revenue à ma première passion, la réalisation de documentaires. J'aime autant interviewer que filmer. J'ai toujours le même désir de raconter notre époque à travers l'image ou le témoignage, le fait de société ou le divertissement. J'envisage même de lancer un autre programme sur ma chaîne YouTube INA Mireille Dumas pour entendre la parole des jeunes en particulier.
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