Un dictature de filles, menée par la Générale Anémone et sa fille, la Colonelle Charlotte Gainsbourg, objet de tous les fantasmes d'un jeune homme sorti des Beaux Gosses, Vincent Lacoste. Voilà l'histoire de Jacky au royaume des filles, la nouvelle réalisation de Riad Sattouf, auteur de bandes-dessinées et cinéaste. Un projet fou et loufoque qui s'interroge sur la question très sérieuse des rapports entre femmes et hommes. Purepeople.com a voulu en savoir plus sur ce long métrage qui ne ressemble à aucun autre, fourmillant d'idées et ambitieux, dans l'océan des comédies lisses. Rencontre avec les comédiens et le réalisateur.
Le triomphe des "Beaux Gosses" (César du meilleur premier film et 900 000 entrées) et après
Riad Sattouf, le réalisateur : "Un premier film qui marche, c'est toujours compliqué... Je me doute bien qu'on m'attend un peu, mais bon... J'espère que c'est pas avec une batte de base-ball ! En tout cas, j'avais envie de faire quelque chose de différent par rapport à mon premier film... Les Beaux gosses et son succès m'ont permis de pouvoir me lancer là-dedans. C'était le moment où je pouvais faire un film un peu étrange."
Vincent Lacoste (Jacky, ex-Beau Gosse) : "J'étais en 3e, je mangeais à la cantine. Quelqu'un est venu me déposer un papier pour passer un casting car le directeur faisait de la figuration. Et j'y ai été et j'ai été pris. Moi, mon but à l'époque, c'était juste de passer en seconde et coucher avec une fille. Après Les Beaux Gosses, tout s'est enchaîné."
Des hommes et des femmes
Riad Sattouf, le réalisateur : "Mon but n'est pas de dénoncer, je trouve ça très prétentieux, mais plutôt de rire des absurdités du patriarcat et de faire des blagues avec. J'ai vécu mon enfance en Syrie, dans un pays où les sexes sont très séparés... Mais c'était le cas aussi en Bretagne où j'ai vécu ensuite. Ma grand-mère bretonne n'avait pas une vie si différente de la vie de ma grand-mère syrienne. Elle faisait à manger pour son mari, s'occupait de son intérieur et s'occupait des enfants... La religion n'avait rien à voir là-dedans. En grammaire, on apprend qu'on dit 'IL FAUT' mais pas 'ELLE FAUT', pourquoi ? Pourquoi y a-t-il plein de filles à la disposition du prince charmant dans Cendrillon ? Pourquoi est-ce lui qui choisit ? Je n'ai jamais été un garçon viril, j'ai toujours détesté le sport et la compétition... Je me faisais donc traiter de 'pédé'. Et cela m'a éveillé à une forme de conscience : si jamais je l'avais été, comment aurai-je pu supporter tout cela ? Pourquoi tout le monde semblait penser que c'était normal ? L'égalité entre les filles et les garçons, c'est le grand sujet d'aujourd'hui."
Que dire à un spectateur pour lui donner envie de voir Jacky au royaume des filles ?
Vincent Lacoste (Jacky) : "Viens voir un film qui n'existera plus. C'est un genre inventé. Ça vaut le détour."
William Lebghil (Vergio) : "C'est un film culte."
Anthony Sonigo (Juto) : "Si un jeune ne veut pas se prendre la tête, il pourra y aller pour découvrir un univers. Mais ce film, pour le comprendre, il faut le voir plusieurs fois."
Le tournage
Riad Sattouf, le réalisateur : "Je crois que j'ai eu la chance que mon nouveau projet ne soit pas trop difficile à monter. Les gens ont été bienveillants... Dans ma BD Pascal Brutal en Belgique (2006), le héros se retrouve dans une Belgique totalitaire tenue par des femmes, dans un futur proche. Lui, l'homme le plus viril du monde, se rend dans un pays où les hommes doivent porter une tunique anti-virilité. C'était une petite histoire de quatre pages, les lecteurs l'ont bien aimée, ils m'en ont parlé très souvent. Ce thème de la domination d'un sexe sur l'autre m'a toujours intéressé et j'ai voulu travailler dessus au travers d'un film de cinéma."
William Lebghil (Vergio, héros de Soda avec Kev Adams) qui se retrouve avec les deux Beaux Gosses Vincent et Anthony : "Je connaissais Riad car j'avais fait une web série avec lui. Avec Vincent et Anthony, on s'est bien aimé direct. Pour le premier essai, je devais gifler et maltraiter Vincent, donc, forcément, ça rapproche. On me confondait avec Anthony lorsque Les Beaux Gosses sont sortis. Mes potes voyaient l'affiche et me disait : 'Oh regarde, t'es là.' Et maintenant, on se retrouve à jouer ensemble. C'est marrant."
Une actrice pas comme les autres : Charlotte Gainsbourg (la colonelle)
Riad Sattouf, le réalisateur : "C'est la productrice qui m'avait soufflé l'idée. Au début, je pensais prendre une débutante, une inconnue, et lorsque la productrice m'a suggéré Charlotte, je me suis dit, 'Ah mais oui, hyper bien !' Je l'adore comme comédienne et elle représente quelque chose de particulier dans l'esprit des gens. Elle fait partie d'une famille d'artistes de génie... Elle aussi est héritière quelque part ! Elle a dû prouver des choses, j'imagine... J'aime bien quand mes acteurs ont quelque chose de commun avec leur rôle... Elle était donc parfaite pour jouer une héritière contrariée !"
Vincent Lacoste (Jacky), qui a tourné des scènes d'amour avec elle : "C'est toujours stressant de faire ce genre de scènes, avec toute l'équipe qui vous regarde. C'est hyper gênant. Mais bon, après, on nous dit d'y aller, on y va et puis voilà. Charlotte était détendue comme on peut l'être dans ce genre de situation. Avec Charlotte Le Bon dans Astérix et Obélix au service de sa majesté, c'était pareil, on me demandait ce que ça faisait, mais on ne retire aucun plaisir de ces scènes-là. C'est plus stressant qu'autre chose."
Faire rire...
Riad Sattouf, le réalisateur : "Quand j'avais 16 ans, j'avais déjà un ego surdimensionné parce que j'étais très timide et j'étais persuadé d'être déjà un adulte. Je détestais tout... À peu près tout ce que j'ai fait ensuite, en bandes-dessinées ou au cinéma, est destiné au mec que j'étais à 16 ans. À l'âge où on est confronté au désir pour autrui et à la confrontation de son désir avec son éducation. Et ce que je préférais à cet âge-là (et aujourd'hui aussi), ce sont les films drôles. Le rire et l'envie de présenter les choses de façon comique me passionnent. Tous mes réalisateurs préférés ont utilisé l'humour dans leurs films."
... Mais pas seulement
Riad Sattouf : "Je regarde des vieux films, mais je vais pas mal au cinéma aussi. Le dernier que j'ai vu, c'est A Touch of Sin [du Chinois Jai Zhang Ke, NDLR] que j'ai trouvé vraiment hallucinant. Mais je vais voir aussi les blockbusters pour voir ce qui plaît aux gens. La majeure partie de ces films sont faits pour être vus dans le monde entier, pour ne jamais déranger personne. Ils sont les pendants des petits-déjeuner 'continental' qu'on trouve dans tous les hôtels du monde. Ce sont des films 'continental'... Je trouve ça hallucinant qu'un film puisse être projeté sans souci dans une dictature ! Qu'il ne contienne rien de subversif... J'ai le sentiment que ma vie a vraiment changé après avoir vu certains films des Monty Pythons, de Truffaut, de Paul Verhoeven ou de Fellini. Aujourd'hui, j'ai souvent l'impression que beaucoup de films nouveaux sont en fait des sortes d'attraction de parc de loisirs. Sans trop d'histoire, mais avec des sensations visuelles... Mais sans le siège qui bouge du Futuroscope, c'est quand même moins bien..."
Samya Yakoubaly
"Jacky au royaume des filles", en salles le 29 janvier 2014