Le journaliste militant Taha Bouhafs, soutenu par La France Insoumise (LFI), a retiré mardi 10 mai 2022 sa candidature aux législatives à Vénissieux (Rhône), dénonçant des "attaques sans précédent", alors que la circonscription est convoitée par le PCF. Mais le lendemain, un rebondissement de taille a surgi : le parti LFI a annoncé avoir ouvert une enquête interne après des accusations de violences sexuelles et de harcèlement à l'encontre de l'activiste controversé. Alors que la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale avait réussi à se rassembler autour d'un projet commun pour les élections du 12 et 19 juin prochain, cette affaire met à mal le parti de Jean-Luc Mélenchon. Qui est Taha Bouhafs, l'homme du scandale ?
Le 29 avril dernier, Taha Bouhafs a fêté ses 25 ans, célébrant l'hypothèse qu'un jeune homme issu de milieu modeste et de l'immigration pouvait se rêver à l'Assemblée. Originaire d'Aïn Beïda en Algérie, il est arrivé en France à 4 ans où il a été ensuite naturalisé. Avec sa famille - son père et sa mère étaient professeurs dans leur pays d'origine -, il s'installe à Échirolles, dans l'Isère. Ses deux grands-pères, berbères, sont des anciens combattants du Front de libération nationale (FLN) lors de la guerre d'indépendance. Alors que ses parents peinent à trouver un emploi stable, le jeune Taha s'oriente vers un baccalauréat professionnel en électronique, mais la voie ne le convainc pas et à 16 ans, il claque la porte du lycée.
Gagnant sa vie à coup de petits boulots, Taha Bouhafs se lance dans le journalisme et s'implique de plus en plus dans le militantisme politique. Ainsi, il s'est porté candidat aux législatives dans la 2ème circonscription grenobloise en juin 2017, à seulement 20 ans. Monté à Paris, il se montre très actif sur Twitter. Lors des manifestations étudiantes en avril, il s'était fait remarquer sur les réseaux sociaux en dénonçant l'évacuation de la faculté de Tolbiac par les CRS. Les rumeurs et témoignages infondés qu'il avait relayés sur la présence d'un blessé grave lui avaient valu d'être la cible d'une violente campagne de dénigrement.
Mais s'il ne fait pas n'unanimité, il fait un coup d'éclat avec l'affaire Benalla. Il est à l'origine de la vidéo du 1er mai 2018 où l'on voit un homme casqué mais sans uniforme qui attrape une jeune femme par le cou avant de s'en prendre à un jeune homme à terre. La scène est filmée et la vidéo est rapidement devenue virale quand le journal Le Monde a révélé que l'agresseur n'était autre qu'Alexandre Benalla, un collaborateur d'Emmanuel Macron chargé de sa sécurité.
Grand défenseur du journalisme de terrain, Taha Bouhafs se revendique militant mais estime ne pas l'être plus qu'un reporter du Point, de BFMTV ou que Christophe Barbier, comme il l'expliquait dans Reporterre : "En tant que jeune de banlieue, j'ai toujours eu une défiance vis-à-vis des médias classiques. Quand, à longueur de journée, en allumant la télé, on voit comment on traite nos vies et les quartiers populaires, ce n'est qu'un ramassis de caricatures racistes, d'amalgames, une série d'humiliations. J'ai toujours été en colère contre ce traitement journalistique. À partir de 2005, quand il y a eu les révoltes urbaines, j'ai décidé de ne plus du tout m'informer par les médias, la télévision, les journaux. Ils sont contre nous." Mais sa colère se transforme parfois sur les réseaux sociaux en insultes. Il a été, en 2021, condamné en première instance à payer une amende et des dommages et intérêts pour "injure publique à raison de l'origine", après avoir qualifié, sur Twitter, la syndicaliste policière Linda Kebbab d'"arabe de service".
Aujourd'hui, c'est lui l'homme du scandale. La formation de Jean-Luc Mélenchon a annoncé ce 11 mai que son comité de suivi contre les violences sexuelles avait été "saisi" après un témoignage "relatant des faits supposés de violences sexuelles reprochées à Taha Bouhafs". Il "a été confronté" lundi "aux accusations" et averti qu'il pourrait ne pas obtenir l'investiture "en raison de la gravité des faits supposés". L'intéressé "a fait le choix de renoncer de lui-même". Le candidat à la présidentielle 2022, qui avait dans un premier soutenu le journaliste, a déclaré ensuite sur Twitter : "La parole des femmes doit être entendue sérieusement. Je compte sur la commission ad hoc de LFI pour établir la vérité."