Alors que son arrivée sur iTÉLÉ le 17 octobre a provoqué un bras de fer entre la rédaction et sa direction, Jean-Marc Morandini, mis en examen pour corruption de mineur aggravée et placé sous contrôle judiciaire il y a quelques semaines, voit une nouvelle polémique éclater à la suite du témoignage précis d'un des deux mineurs impliqués, comme le rapportent nos confrères du Point (magazine en kiosques jeudi 20 octobre 2016).
Alors qu'une enquête a été ouverte à la Brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP) sur des soupçons de travail dissimulé dans le cadre de l'affaire de la web-série Les Faucons, la brigade des mineurs continue de travailler sur deux plaintes déposées par des jeunes ayant eu affaire à l'animateur de Morandini live, dont une par celui qui, mineur au moment des faits, a raconté avoir passé un casting douteux pour faire un remake du film américain Ken Park. On sait aujourd'hui que Jean-Marc Morandini n'avait pas acheté les droits du film ni préparé un scénario ou un script, assurent plusieurs sources judiciaires. Aujourd'hui, on apprend plus en détails la plainte de Léonard (le prénom a été modifié), l'autre mineur. Une plainte qui a de grandes chances d'aboutir et qui pourrait coûter très cher à JMM - jusqu'à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende.
Fan de Jean-Marc Morandini, le jeune homme, qui avait 16 ans au moment des faits (en 2013), se plaisait à retweeter des messages de son idole et ne cessait de complimenter son travail. Si bien que le journaliste de 51 ans l'a remarqué et l'a invité en février 2013 à venir sur le plateau de Vous êtes en direct (NR12), ainsi que dans les locaux d'Europe 1 pour assister à son ancienne émission de radio, Le Grand direct des médias.
C'est entre ces deux programmes que Jean-Marc Morandini se met à suivre Léonard sur Twitter et à lui envoyer des messages privés. Si leurs discussions sur le réseau social, puis par téléphone et SMS, étaient au départ anodines, elles ont rapidement dérapé. "L'animateur interroge le jeune garçon sur sa sexualité, lui soumet des scénarios érotiques, imaginant un homme faire une fellation à un autre et évoquant même un plan à trois avec une célèbre animatrice", peut-on lire.
Sous le choc après avoir découvert la teneur de ces messages, les parents de Léonard ont interdit à leur enfant de continuer à discuter avec Jean-Marc Morandini et se sont empressés de déposer une main courante. Interrogé dans le cadre de sa garde à vue, fin septembre, sur ses discussions avec le mineur, JMM a assuré ignorer l'âge de Léonard à l'époque, alors que celui-ci avait "pourtant été très clair".
Rappelons que les associations La Voix de l'enfant et Innocence en danger se sont constituées partie civile.
En plus des détails de ce témoignage, L'Obs s'apprête à revenir dans son édition du jeudi 20 octobre sur certains messages douteux de Catherine Leclerc, la fausse directrice de casting de la web-série Les Faucons. Justement, celle dont l'identité a été usurpée, Sophie Junker, a pensé à porter plainte. Franchira-t-elle le pas ? La question se pose.
C'est dans ce contexte particulièrement compliqué que Jean-Marc Morandini a fait son arrivée sur iTÉLÉ, lundi 17 octobre. Malgré deux motions de défiance et la tribune de la Société des journalistes (SDJ) dans Le Monde jeudi dernier, qui a invité l'animateur à renoncer à son arrivée sur la chaîne d'info, la direction et le présentateur n'ont pas plié et ce mercredi 19 octobre, les salariés ont voté une troisième journée de grève.
Il faut dire que contrairement à NRJ12 et Europe 1, qui ont écarté le journaliste de leur grille des programmes, l'entêtement de Vincent Bolloré à mettre Jean-Marc Morandini à l'antenne avec une nouvelle émission a été très mal perçue. "Maintien ou pas maintien, là on le fait venir en plus sur une chaîne. Sur une chaîne d'information, je trouve que c'est très problématique", a par exemple expliqué Thierry Moreau dans Touche pas à mon poste sur C8 mardi 18 octobre. Dans la même émission, Géraldine Maillet ajoutait : "Moi je trouve que la présomption d'innocence c'est important, mais on parle que de sa présomption d'innocence à lui, on ne parle pas des présumées victimes. Qu'est-ce que ça fait aux présumées victimes de voir Morandini tous les soirs à la télévision ? Je trouve ça juste abject et indécent."
Il faut dire que le retour à l'antenne de Morandini se révèle être de plus en plus une mauvaise idée, surtout pour lui. Après les révélations des témoignages des deux mineurs, le retour à l'antenne de l'animateur pourrait inciter d'autres victimes à témoigner...
En conséquence, en plus d'être "lâché" par ses collègues d'iTÉLÉ, Jean-Marc Morandini – dont l'émission Morandini Live devrait être programmée le matin à partir de lundi en face du Grand direct des médias sur Europe 1, qui ne souhaite pas le voir revenir – l'est aussi par le public puisque l'émission a réuni 58 000 téléspectateurs mardi 18 octobre, soit 50 000 de moins que lundi. Les annonceurs se sont également désolidarisés de l'animateur.
D'ailleurs, comme nous venons de l'apprendre grâce à nos confrères du quotidien Les Echos, en plus de la marque de jus de fruit Innocent, les marques Banque Populaire, iZettle et Axa ont également demandé à ne plus être associées au programme.
La Banque Populaire a ainsi fait savoir que les espaces publicitaires ont été achetés depuis longtemps mais sans précision sur l'heure exacte de leur diffusion. Axa a également demandé à ne plus voir son spot programmé pendant Morandini Live. On vient d'apprendre que Peugeot refuse également de diffuser ses spots de pub dans l'émission de Morandini Live.
De son côté, iZettle, un compagnie suédoise spécialisée dans le paiement mobile, précise pour sa part mener "une campagne pub sur plusieurs chaînes". "Nous ne soutenons aucune émission ou personnalité spécifique", précise-t-elle avant d'ajouter que "la publicité repassera une seule et dernière fois", car il serait "trop tard pour l'annuler".