Il n'aura fallu que quelques heures après son placement en garde à vue mercredi 8 février à la gendarmerie de Grenoble pour que Patrice Ciprelli, mari de Jeannie Longo, admette avoir effectué des achats d'EPO. Jeudi après-midi, en effet, il a confirmé les informations publiées en septembre 2011 par le quotidien L'Equipe et les découvertes de l'enquête diligentée dès le lendemain, le 14 septembre, par le parquet de Grenoble. Présenté à un juge d'instruction vendredi matin, il s'est vu notifier sa mise en examen pour "contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, infraction aux règlements sur le commerce, de substances vénéneuses et importation de substances ou de procédés interdits aux fins d'usage par un sportif sans justification médicale", a indiqué son avocat Me Albert. Libéré sous contrôle judiciaire, il est suspendu de ses fonctions d'entraîneur professionnel (cadre d'Etat).
Le quotidien sportif avait à l'origine repéré des achats d'EPO d'origine chinoise datant d'avril 2007 que Patrice Ciprelli avait effectués via Internet auprès d'un certain Joe Papp, ancien cycliste américain poursuivi pour trafic de produits dopants. Dans ses mails, il précisait "c'est pour ma femme". Or, si ces faits sont prescrits car vieux de plus de trois ans, l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Grenoble suite à ces révélations avait permis d'identifier d'autres transactions suspectes plus récentes "par carte bancaire à des sociétés basées à l'étranger spécialisées dans la vente de médicaments sur Internet", et notamment "deux achats d'EPO non prescrits en mai et juin 2011 pour des montants de moins de 500 euros à chaque fois".
Des achats d'EPO cachés à sa femme Jeannie, "pour son usage personnel"
C'est dans le cadre de ces investigations qu'une dizaine d'agents de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) et de la section de recherches de la gendarmerie de Grenoble ont débarqué dès 6h du matin au chalet de Patrice Ciprelli et son épouse Jeannie Longo, mercredi 8 février, à Saint-Martin-le-Vinoux (Isère). A 6h10, ils ont notifié à Patrice Ciprelli son placement en garde à vue, tandis qu'ils entamaient une perquisition des lieux, laquelle dura jusqu'à 11h30. Placé en garde à vue pour "contrebande de marchandises dangereuses pour la santé", "infraction aux règlements sur le commerce de substances vénéneuses" et "importation de substances ou de procédés interdits aux fins d'usage par un sportif sans justification médicale", Patrice Ciprelli a commencé par nier en bloc, prétendant que ses cartes bancaires avaient été piratées, avant d'avouer avoir commis les achats en question en Turquie. Mais, à l'inverse de cette mention "c'est pour ma femme" supposément liée à ses achats de 2007, il a cette fois affirmé que c'était "pour son usage personnel", sans en informer sa femme. Patrice Ciprelli aurait acquis, selon son audition de jeudi après-midi, de l'EPO pour son compte "car il fait l'objet d'accidents de vélo répétés ces dernières années" et que l'EPO est "un reconstituant musculaire", a déclaré à l'AFP son avocat, Me Pierre Albert.
Michel Lucatelli, le meilleur ami de Patrice Ciprelli et directeur de l'équipe de France de ski-cross, avait également été placé en garde à vue mercredi matin, pour avoir réceptionné les colis, dont il dit avoir ignoré le contenu. Il a été relâché, le procureur de la République de Grenoble Jean-Yves Coquillat n'ayant trouvé aucun élément dans le dossier indiquant sa complicité, tandis que Me Albert expliquait que son client avait impliqué son ami pour ne pas éveiller les soupçons de son épouse : "Il l'a caché à Jeannie et l'a fait livrer à un copain (Michel Lucatelli) pour qu'elle ne s'en aperçoive pas."
Jeannie Longo : "Une trahison inimaginable" ?
Le cas de Jeannie Longo doit lui aussi être étudié. Le procureur a clairement indiqué "qu'aucun élément dans le dossier ne permet d'affirmer que cet EPO aurait été utilisé par l'épouse de M. Ciprelli", notant par ailleurs que "pour un sportif, le fait de se doper n'est pas un délit" et que ce sont "des santions sportives qui s'appliquent dans ce cas-là". Selon Me Bruno Ravaz, un des avocats de Patrice Ciprelli, la championne aux 59 titres nationaux serait "totalement effondrée par les accusations qui la visent dans les médias". Devant la caméra de L'Equipe TV, le magistrat, qui assure que les faits reconnus "ne sont pas d'une gravité extrême", a estimé, à propos de Jeannie Longo et du fait que son mari lui ait caché ces achats : "C'est tellement contre-nature pour elle, la négation de tous ses efforts, de tout ce qu'elle est, ce qu'elle aime dans le vélo... C'est tellement contraire à ses valeurs que c'est inimaginable. Pour elle, ce doit être une sorte de trahison, mais je pense qu'en même temps, elle veut s'arquebouter pour défendre son mari. C'est une sportive qui est à l'automne, voire à l'hiver de sa carrière, et qui a besoin de se recentrer sur sa vie privée." Après une année 2011 annus horribilis, 2012, pourtant année olympique, ne s'annonce pas sous de meilleurs auspices...