Who you are : comme l'assène le titre de son premier album et son contenu explosif, Jessie J prône l'affirmation de soi, elle qui s'est construite et imposée envers et contre tout/tous, narguant l'épée de Damoclès de son anomalie cardiaque, les coups du sort sur la voie d'une carrière musicale et les blessures de la vie. Triomphant, aussi, de la cruauté des autres, et notamment de ses anciens camarades d'école, dont elle se venge avec délectation, devenue la popstar en vogue, dans le clip de Who's laughing now (Littéralement "C'est qui qui rigole, maintenant ?", qu'on peut résumer éloquemment en... "na-na-nè-re !").
Quatrième single et quatrième manifeste, Who's laughing now, produit notamment par le trio londonien The Invisible Men (Sugababes, Gabriella Cilmi, I Blame Coco), s'appuie de fait sur un clip mettant en scène le retour de Jessie J à l'école primaire afin d'assouvir crânement sa vengeance à l'égard de tous ses détracteurs. La vidéo a été tournée à la King's College School, à Wimbledon, et permet à l'artiste d'incarner divers personnages (une prof refoulée, une femme de ménage très street, une cantinière vulgaire) tandis qu'une fillette, coupe noir corbeau et carré tranchant tout comme elle (chevelure qu'elle sacrifiera en 2012, la rasant pour une cause caritative), joue son rôle, celui de Jessica Cornish devenue plus tard Jessie J, sur les bancs de l'école et finit par éteindre l'incendie des cancancs des méchantes camarades à l'extincteur.
On sent, de manière trop appuyée même, l'esprit revanchard de Jessie J, qu'elle revendique d'ailleurs : "Cette chanson me fait toujours rire. J'ai eu beaucoup de soutiens, mais aussi tellement de détracteurs, et cette chanson est le "ha ha !" que je leur ris au nez", explique-t-elle en rappelant combien de personnes ont méprisé ses débuts dans la musique et ont tenté de revenir vers elle à présent qu'elle est une star. Y compris les vieux camarades de classe qui se font maintenant un plaisir de taguer les photos d'elle sur Facebook... Elle explique aussi que le pouvoir de la musique est de créer le changement, mais aussi de porter sur soi-même un regard plein de dérision.
Et les fans de la sulfureuse performeuse bisexuelle, qui avaient précipité la parution de l'album avec un mois d'avance en février dernier et ont imposé le choix de Who's laughing now comme quatrième single, raffolent de toutes ces chansons sans fioritures, directes, explicites, imprégnées de ses expériences personnelles. A l'image de Who you are, un track porte-étendard qui se veut un hymne positif pour les jeunes créé par une chanteuse mi-artiste mi-thérapeute, ou Big White Room, chanson qu'elle a écrite alors qu'elle était hospitalisée, à 10 ans, et avait été témoin de la mort de son petit camarade de chambre après l'avoir vu prier avec sa mère pour que son opération se déroule bien.
Une posture sans fard qu'imposaient déjà les trois précédents singles : Do it like a dude, hit qui a imposé le personnage boyish et provocant de Jessie J en même temps que son talent de chanteuse et de rappeuse au travers d'un clip dérangeant et cradingue (ou comment remplacer un rappeur US West Coast par une poupée brune au teint de porcelaine made in Albion et testostéronée), Price Tag ou encore Nobody's perfect. Un style coup de poing qui plaît ou déplaît mais ne laisse pas indifférent.
Avec Who's laughing now, son "You are beautiful, no matter what they say" (Christina Aguilera) à elle, Jessie J, toujours sexy, toujours border-line, toujours gangsta jusque dans le geste, et toujours sûre de son fait, se gargarise d'une bonne dose de triomphalisme. Elle qui survit à cette anomalie cardiaque flippante, elle qui a réussi à publier un premier album événement apparu dans le haut des charts du monde entier après six ans d'efforts (songwritrice pour Miley Cyrus, Chris Brown, Christina Aguilera, ou Alicia Keys, elle avait dû se remettre en selle après la faillite du label qui devait initialement la produire), elle que le hitmaker planétaire David Guetta a absolument voulue avant de boucler son album, pour le tube en puissance Repeat, et qui pourtant n'oublie toujours pas who she is : on repense d'ailleurs, en visionnant ce clip, à la petite Shae White qu'elle avait invitée à chanter avec elle Price Tag sur la scène de Glastonbury.
G.J.