On appelle cela, dans le monde anglophone et, à vrai dire, dans le monde tout court, le "Kate effect". Quelle marque ne rêverait pas de voir ses pièces portées par la duchesse Catherine de Cambridge, icône de style admirée et copiée, dont la moindre apparition déclenche des ventes en pagaille et provoque des ruptures de stock ? Habiller l'épouse du prince William, c'est bénéficier d'un coup de pub sans pareil... Mais, de manière totalement insoupçonnable, le retour de manivelle peut être dévastateur : Daniella Helayel, fondatrice de la marque Issa, en apporte la démonstration, après une éprouvante traversée du désert, se confiant à Katie Nicholl pour le Daily Mail.
Lorsque, le 16 novembre 2010, Kate Middleton se présente au bras du prince William pour une interview alors que leurs fiançailles viennent tout juste d'être annoncées, les yeux sont rivés sur elle, sur la bague sertie d'un saphir léguée au prince par sa mère Diana... et sur sa petite robe bleue au charme immédiat. En 24 heures, cette pièce coûtant quelques centaines d'euros est épuisée partout où elle était proposée à la vente au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Naturellement, la notoriété d'Issa explose et ses ventes avec, qui augmentent de 45%. On pouvait alors prédire l'avenir le plus radieux à la marque, qui habillait déjà un certain nombre de personnalités de premier plan et qui, à son apogée, pesait plus de 30 millions d'euros. C'est en fait tout l'inverse qui s'est produit.
Disparue du circuit après avoir cédé sa marque en 2013, Daniella Helayel est de retour avec une nouvelle griffe baptisée Dhela qui reprend des codes qui ont réussi à Issa (les robes fluides en soie, les couleurs vives, les imprimés toniques) et sa philosophie de toujours : "Faire en sorte que les femmes se sentent sublimes", quelle que soit leur morphologie. Formée au Fashion Institute of Technology à New York, la plantureuse créatrice d'origine brésilienne s'était installée à Londres en 2000 et n'avait pas tardé à se faire un nom comme créatrice, notamment avec les imprimés qui sont sa marque de fabrique : tandis qu'elle lançait Suki Waterhouse et Alice et Charlotte Dellal sur les podiums, où Liberty Ross et Jodie Kidd, défilent aussi pour elle, les ventes décollent et les stars s'entichent de cette marque qui monte : "Madonna avait plein d'Issa dans sa garde-robe et envoyer ses assistants en acheter des paquets, elle parlait à tout le monde de ma marque (...) Scarlett Johansson a découvert Issa quand elle travaillait à Londres et Jennifer Lopez est tombée amoureuse d'Issa alors qu'elle était enceinte", se remémore avec nostalgie Daniella, énumérant les fans célèbres (Liz Hurley, Kylie Minogue, Keira Knightley, Jennifer Hudson...), dont Kate Middleton, "une merveilleuse cliente qui a porté du Issa pendant des années".
Puis, en 2010, c'est un tournant avec le choix de Kate de porter devant le monde entier une robe Issa pour ses fiançailles. Mais pas le tournant qu'on croit. Car "l'année précédente, la marque était au bord de la crise financière", admet Daniella.
D'abord, bien sûr, ce fut une fierté immense pour Daniella de voir le modèle "DJ157" (un numéro de matricule, comme pour toutes ses créations à l'époque), créée d'après un dessin de sa grand-mère elle-même couturière, ainsi exposé : "Ce matin-là, se souvient-elle, j'étais allée faire mon yoga comme d'habitude et j'ai reçu un coup de téléphone d'un ami qui m'a parlé des fiançailles royales. Tout cela était très enthousiasmant. Nous n'avions pas la télévision au studio et c'était avant Instagram, mais nous avons bien vite su que Kate portait du Issa parce qu'à 16 heures, le téléphone s'est mis à sonner et cela n'a plus arrêté. C'était de la folie." Et là, les problèmes commencent : "A compter de ce jour-là, nos ventes ont doublé. Je n'avais pas l'argent pour financier la production à une telle échelle. La banque refusait de me faire crédit et l'usine me harcelait pour que je paye les factures. Il me fallait un investisseur."
Ça m'a brisé le coeur
Daniella Helayel se tourne alors vers une vieille connaissance, Camilla Al-Fayed, fille du magnat Mohamed Al-Fayed, qui acquiert en 2011 51% des parts d'Issa : "Il fallait que je vende pour pouvoir financier la croissance de la société et je n'avais pas d'autre choix que de trouver un investisseur, relate-t-elle. Je connaissais Camilla depuis ses 19 ans et ça avait l'air d'être une formidable opportunité. Les Al-Fayed venaient juste de vendre Harrods et Camilla en connaissait un rayon sur la mode et la vente. Ça avait tout du mariage parfait." Au début, ce fut le cas. Mais pas longtemps : "En 2012, un nouveau PDG a été embauché et les choses ont commencé à aller dans une autre direction, qui ne me convenait pas", observe Daniella, encore très affectée par cette période. En mai 2013, elle se résignait à quitter le navire, remplacée par nouvelle directrice de la création ; en 2015, Issa, malgré le come-back de la robe culte de Kate sur le marché, mettait la clé sous la porte.
"Je suis partie parce que je ne pouvais plus supporter la situation, décrit-elle. J'étais si stressée que mes cheveux blanchissaient et commençaient à tomber. La fin d'Issa m'a détruite. J'avais une super affaire, que j'avais passé une décennie à bâtir de mes mains. La voir partir en fumée, ça m'a brisé le coeur. Il m'a fallu deux ans pour tourner la page, au cours desquels je n'ai pas créé la moindre chose. C'était trop douloureux. Je ne crois pas que les gens aient conscience de combien j'ai souffert (...) J'ai fait beaucoup de yoga, je suis allée à Los Angeles et en Asie et je suis rentrée voir ma famille au Brésil." Finalement, une escale au Japon en juin 2016 lui remet le pied à l'étrier, lorsqu'un distributeur local lui demande de réaliser une nouvelle collection. Elle se rend compte qu'elle peut créer à nouveau. Une libération : "Dhela est née peu après. Je l'ai appelée Dhela parce que c'est un jeu de mots avec mon nom et cela signifie aussi "hers" (le sien, la sienne) en portugais, j'adore ça vu que la marque est vraiment l'incarnation de qui je suis et de mon travail. Il y a des éléments d'Issa dans ma nouvelle marque, mais modernisés et mûris."
La duchesse de Cambridge aura-t-elle un coup de coeur pour la première collection (printemps-été 2017) ?