"Pouvoir se tenir debout, c'est surtout ça qui lui tient à coeur." Ces propos, Nathalie, la maman de Kevin Anin, les tenait un an après le terrible accident de voiture de son fils, footballeur prometteur au potentiel énorme, dont il a été victime en 2013. Aujourd'hui, Kevin Anin est paraplégique et ne remarchera sans doute jamais. Paradoxalement, cette situation a apaisé le jeune homme.
J'ai craqué, je m'en foutais
Désormais installé dans une maison d'Octeville-sur-Mer, à quelques kilomètres du Havre où il a débuté sa carrière de footeux, Kevin Anin a reçu L'Équipe dans son grand salon blanc. Une demeure qui aujourd'hui reflète sa condition, de la piscine intérieur à l'ascenseur, en passant par les appareils de rééducation. Footballeur talentueux à la personnalité torturée, Kevin Anin va mieux. Depuis cet été, il s'est replongé dans une rééducation jadis contrariée par des problèmes de santé, une embolie et un staphylocoque doré contractés durant son hospitalisation à Rouen. "Juste après l'accident, mentalement, j'étais là, prêt à revenir le plus vite possible, à mettre les bouchées doubles", explique le jeune homme. Puis direction Kerpape, un centre de rééducation et de réadaptation en Bretagne, mais là aussi, une escarre vient bouleverser le programme.
"Dans ma tête, j'ai craqué, je m'en foutais", poursuit le milieu de terrain passé par Sochaux et Nice. S'il loue le travail du personnel, il avoue ne pas y avoir trouvé sa place. "On te réveille le matin à 6 heures, on allume directement la lumière, on te pique, on regarde ton corps, des femmes te mettent des suppositoires... Je ne pouvais plus, je n'y arrivais pas", raconte-t-il.
Cela veut dire que mon corps n'est pas mort
Mais aujourd'hui, Kevin Anin a repris le travail de rééducation, à son rythme. "Cela dépend de comment je vais dans ma tête", ajoute celui qui dit avoir "de nouvelles sensations qu'[il] ne connait pas". "Mais je ne souffre pas. Ou alors, je vis avec. C'est bien, cela veut dire que mon corps n'est pas mort", philosophe Kevin Anin dans les colonnes de L'Équipe. Si entouré des siens, c'est un joli sourire qu'il propose à ses interlocuteurs, il n'en a pas toujours été ainsi. "Je n'avais pas l'impression d'avoir lâché, mais, en vrai, tu lâches. Je me suis laissé allé plutôt, en me disant que cela allait venir tout seul, alors qu'on a jamais rien sans rien. 'Aide-toi, Dieu t'aidera !' Je me suis mis ça dans la tête."
En juin 2013, il avait été victime d'un terrible accident de voiture. Si les trois autres passagers et le conducteur s'en étaient sortis indemnes, lui avait été placé dans un coma artificiel. Un drame qu'il revit, fataliste : "Je refais toute l'histoire dans ma tête et je me dis que c'est le destin. On ne peut pas revenir en arrière ; c'est dommage, mais c'est comme ça." Et cette façon de penser l'empêche d'en vouloir au conducteur : "Il n'a pas fait exprès, il s'est endormi au volant et lui aussi aurait pu mourir. C'est le destin, c'est comme ça."
Kevin Anin de poursuivre : "C'est une leçon de vie qui rappelle qu'on n'est rien, que cela n'arrive pas qu'aux autres. J'ai eu un beau destin, j'ai été footballeur professionnel, ce n'est pas donné à tout le monde." Malgré le handicap, Kevin Anin garde donc un esprit positif. Même si l'annonce de celui-ci l'a profondément marqué, comme il le raconte dans les colonnes du quotidien sportif : "Inconsciemment, tu le sens. Et là, le médecin dit : 'Monsieur Anin, vous êtes paralysé.' Direct. Et moi, je le regarde dans les yeux, j'écoute ses explications. Au début, je pensais qu'il me faisait une blague pour que je prenne conscience que ce qu'on avait fait était dangereux. Après, j'ai réalisé... J'ai mis une semaine et j'ai craqué, j'ai pleuré. Surtout pour mes proches." Mais si les médecins lui ont assuré qu'il ne marcherait plus, Kevin Anin ne veut pas y croire. "Je ne les écoute pas, dit-il ainsi. Tout est possible. Ce ne sont pas que des mots, c'est à moi de faire le nécessaire. C'est long, mais un jour peut-être..."
Philosophe, Kevin Anin l'est encore au moment d'évoquer sa condition qu'il accepte, loin de se lamenter : "Il me manque juste un petit truc, mais, de toute façon, cela a toujours été le cas. C'est le propre de l'homme, il en veut toujours plus. J'ai tout ce qu'il faut, je ne marche pas, c'est tout. C'est bizarre, mais par rapport à avant, je respire."
Kevin Anin, un entretien à retrouver dans son intégralité dans le journal L'Équipe du 7 octobre 2015