C'est une figure du journalisme télé français, du temps où les chaînes se comptaient sur les doigts d'une main et où les présentateurs de JT étaient des stars qui pouvaient réunir jusqu'à 10 millions de téléspectateurs devant leur écran. Patrick Poivre d'Arvor, Christine Ockrent, Jean-Claude Narcy, Claude Sérillon, Daniel Bilalian... Autant de noms qui résonnent aux oreilles de ceux qui les ont connus, portant avec eux des images, celles de la guerre au Liban, ou aux Malouines, de la chute du Mur de Berlin, d'un concert de Michael Jackson ou de Madonna... Parmi ces personnalités entrées au panthéon de l'information, Jean-Claude Bourret a toute sa place, lui à qui l'on doit notamment de nombreuses innovations au sein du paysage audiovisuel.
Après des débuts sur France Inter où il invente notamment le concept du "tour de France des plages", brève émission qui donne chaque matin aux auditeurs de la station la température de l'eau et l'état de la mer, il fait ses premiers pas à la télé. Sur FR3, d'abord puis sur TF1, à partir de 1975. Il présentera les journaux sur cette chaîne le week-end jusqu'en 1987 !
C'est à lui que l'on doit notamment la fameuse carte météo satellite qu'il choisit de mettre à l'antenne. C'est aussi lui qui présente le premier JT en couleur de la chaîne, lui qui crée la première émission d'info matinale, ancêtre de Télématin -programme très chahuté ces derniers temps- baptisée alors Bonjour la France. En mai 1986, il est le premier journaliste à révéler que le nuage radioactif de Tchernobyl a bel et bien traversé la France.
Après son transfert sur la Cinq, il crée la première émission interactive, Duel sur la Cinq, qui permet aux téléspectateurs de voter chaque jour par téléphone et minitel afin de choisir le débatteur qui les a le plus convaincus.
Jean-Claude Bourret, homme d'initiative, professionnel de talent, curieux de tout et notamment des OVNI, sujet sur lequel il s'est longuement penché est un journaliste éclectique capable de se passionner à la fois pour la bête du Gévaudan ou pour des sujets scientifiques. Mais le périmètre de ses activités est loin de s'arrêter là... Il en est une, méconnue, qui a occupé une grande partie de la vie de cette personnalité dont le nom avait été avancé pour participer à La Ferme Célébrités, émission qu'il avait refusée de faire.
Le 13 avril 2019, le journaliste répond à des questions du journal Bien Public. Thème de l'interview : la recrudescence des suicides au seins des forces de l'ordre en pleine crise des gilets jaunes. "Nous sommes dans une période particulièrement tendue. Que ce soit du côté de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, de toutes parts, les troupes sont fatiguées. Elles se posent beaucoup de questions, explique l'ancien présentateur de JT. Il poursuit : "La crise des Gilets jaunes a quelque chose d'exceptionnel. Tous vous le disent avec clarté : ce qu'ils ont vu depuis trois mois, ils ne l'avaient jamais vu."
À quel titre Jean-Claude Bourret est-il interrogé sur cette thématique, lui qui est retraité depuis de longues années après sa carrière dans les médias? Au nom de qui parle-t-il ? La réponse est écrite à côté de son patronyme, il est conseiller de la gendarmerie nationale ! Un rôle qu'endosse depuis 1998 cet homme qui a toujours eu un lien très fort avec ce corps d'armée.
Ses premiers rapprochements avec la gendarmerie "datent d'il y a 40 ans, et même avant" expliquait-il en 2010 au journal Le Télégramme. "En tant que journalistes, quelles sont nos sources?, s'interrogeait-il. Les policiers, les sapeurs-pompiers et les gendarmes. Ceux-ci couvrent 95% du territoire français pour 50% de la population. Ils sont donc au courant de tout. Et il faut qu'ils soient, aussi, à la disposition des journalistes pour que ces derniers puissent bien faire leur métier et informer les auditeurs, les lecteurs et les téléspectateurs." Si le lien avec ses institutions officielles s'est tissé pour des raisons professionnelles compréhensibles, il s'est approfondi ensuite...
L'occasion s'est présentée en 1999 lors de l'affaire de la paillote chez Francis, en Corse, après que des gendarmes ont incendié en pleine nuit et hors de tout cadre juridique un restaurant installé illégalement sur une plage du sud d'Ajaccio. L'histoire avait fait grand bruit et Jean-Claude Bourret avait été sollicité par l'institution militaire car, expliquait-il au Télégramme, "ils avaient besoin d'un professionnel de la communication" pour gérer cette crise. C'est ainsi qu'il est entré dans cette étonnante deuxième carrière qui l'a vu devenir conseiller en communication au sein de la Direction générale de la gendarmerie nationale(DGGN).
Un rôle qui l'a conduit à servir de relais avec les médias, comme en Corse ou plus tard avec les gilets jaunes mais ses prérogatives ne se cantonnaient pas à ça. Le journaliste explique aussi être "intervenu des centaines de fois dans des écoles de gendarmerie pour expliquer pourquoi il convient toujours d'être là pour répondre aux journalistes et comment agir face à eux."
Ses missions ont aussi amené l'homme à travailler sur le dispositif du défilé du 14 juillet ou à organiser, comme en septembre 2013, un spectacle réunissant symboliquement les orchestres de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale en présence du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, dont l'épouse vient d'être mise en examen, et de la ministre de La Défense Michèle Alliot-Marie.
Logiquement passionné par les questions de sécurité et de défense, le journaliste auteur de nombreux livres dans sa carrière a publié une bande dessinée, Histoire de la gendarmerie nationale des origines à nos jours dont la totalité des droits d'auteurs ont été reversés aux oeuvres sociales de la Gendarmerie en faveur des familles de gendarmes victimes du devoir. Il est aussi l'auteur d'un ouvrage intitulé G.i.g.n - les exploits des gendarmes anti-terroristes, qu'il avait écrit dès 1983, preuve que cette passion pour l'uniforme n'a rien de récent.
Le 27 novembre 2007, notre confrère a été élevé au grade de colonel de la réserve citoyenne par le général d'armée Guy Parayre, directeur de la Gendarmerie nationale, mission qui a été renouvelée en 2010 et en 2013. "La réserve citoyenne, explique un représentant de la gendarmerie à Purepeople, vise à entretenir l'esprit de défense et à maintenir le lien entre la Nation et ses forces armées. Elle est constituée de volontaires agréés par l'autorité militaire en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions relevant de la défense et de la sécurité nationales. Les réservistes citoyens peuvent être des membres de la société civile, avec ou sans expérience militaire préalable."
Jean-Claude Bourret, ou l'art de porter deux casquettes : celle de journaliste... et le képi !