Channel 4 avait flairé le bon coup et doit se féliciter d'avoir maintenu contre vents et marées la diffusion de Diana: In Her Own Words, un document exceptionnel inédit en Grande-Bretagne. Basé sur des cassettes "secrètes" enregistrées en 1992 et 1993 par l'ancien professeur de diction de Lady Di, enregistrements que seule une chaîne américaine (NBC) avait osé diffuser en 2004, le programme a attiré 3,5 millions de téléspectateurs (et un pic à 4,1). Il s'agit de la meilleure audience de l'année pour la chaîne anglaise – toutefois battue par BBC One et l'ultime épisode d'un feuilleton historique.
La révélation, le mois dernier, de la programmation de ce documentaire avait suscité un vent violent de controverse. Frère de Diana et garant de sa mémoire, le comte Charles Spencer avait même tenté d'en empêcher la diffusion, invoquant notamment la souffrance émotionnelle qu'il risquait de causer aux princes William et Harry, en cette année qui marque les vingt ans de la mort tragique de leur mère. En vain.
On pouvait aussi prédire que le contenu de Diana: In Her Own Words ("Diana par elle-même") serait accablant pour le prince Charles : devant Peter Settelen, ancien acteur de Coronation Street qui venait la faire travailler au palais de Kensington, la princesse Diana s'épanchait longuement sur les affres de son mariage calamiteux avec l'héritier du trône, de la manière lamentable dont il lui fit la cour à leur vie sexuelle inexistante, entre autres sujets sensibles. Et comme si ce qui passait à l'écran ne suffisait pas, l'addition a été salée pour le prince de Galles sur les réseaux sociaux également. Autour du thème "prince Charles right now" ("le prince Charles en ce moment"), les téléspectateurs ont rivalisé de créativité et d'ironie pour imaginer ce que seraient l'état et les réactions du fils de la reine Elizabeth II s'il voyait les mêmes images qu'eux.
Le Daily Mail a fait une revue de tweets moqueurs : le prince Charles comparé à Homer Simpson faisant une tête ahurie, à Kermit la Grenouille en pleine crise d'hystérie, à un homme observant en cachette ou à un jeune garçon à la mine angoissée...
Cela étant, de nombreux twittos se sont aussi montrés critiques envers Channel 4, éprouvant le sentiment désagréable d'être des voyeurs devant des documents trop intrusifs... tout en admettant qu'il était difficile de renoncer à regarder, par curiosité. "Je suis un paradoxe vivant : je désapprouve qu'on montre ceci et pourtant je suis tellement intrigué que je regarde", résume bien l'un d'eux, tandis qu'un autre a l'impression "d'écouter une conversation qu'il ne devrait pas entendre".
Il faut dire qu'en fait de "contribution historique", ligne de défense de la chaîne anglaise face à la levée de boucliers, ce sont surtout des secrets de la vie intime qui sont compilés en une heure et demie. Parmi les confidences les plus sensationnelles, Lady Di parle notamment de son coup de foudre pour son garde du corps, Barry Mannakee, avec lequel elle aurait fait le projet de s'enfuir dans les années 1980 et qu'elle soupçonne d'avoir été éliminé (Barry a trouvé la mort en 1987 dans un accident de moto) : "À 24 ans, je suis tombée follement amoureuse de quelqu'un qui était au coeur de tout cela ; cela s'est su, il s'est fait virer puis il a été tué. Et cela a été le coup le plus dur de toute ma vie, je dois l'avouer. Ce n'est pas facile d'en parler. J'étais plutôt heureuse de quitter tout cela et de simplement partir vivre avec lui. Je n'aurais jamais dû jouer avec le feu, je l'ai fait et je me suis brûlée", racontait-elle.
De sa première rencontre avec le prince Charles, elle se remémorait son côté lourdement entreprenant et collant "comme un petit chien" ; sa tactique de séduction, elle la considérait comme peu convaincante. De leurs fiançailles après seulement treize entrevues, elle gardait un souvenir traumatisant : "Il y avait ce journaliste nul qui a demandé : 'Êtes-vous amoureux ?' Je me suis dit 'qu'il est lourd' et j'ai répondu 'oui bien sûr nous sommes amoureux' (...) et Charles s'est retourné et a dit : 'quel que soit le sens 'd'être amoureux.' Ça m'a complètement foutue en l'air." Quant à leur vie sexuelle, "affreuse", elle se résumait à "quelque chose comme une fois toutes les trois semaines" jusqu'à la naissance du prince Harry en 1984. Rien à voir avec les conversations téléphoniques torrides qu'elle dit avoir entendu entre Charles, enfermé dans les toilettes, et Camilla Parker Bowles...