Carmen, un vrai nom d'héroïne. Hispanique, comme l'est le pseudonyme de Lizzy Grant, Lana Del Rey, inventé avec des amis cubains lors d'une virée dans la plus hispanisante des villes américaines - Miami.
Carmen, une histoire d'anti-héroïne. Lana Del Rey y chante les dangers de la jet-set, les illusions dangereuses des miroirs aux alouettes, les déboires inévitables des wannabe-starlettes (Lindsay Lohan et consorts se reconnaitront). Comme une suite à son National Anthem, trip tapissé de billets verts également présent sur son album Born To Die. Un conte pas merveilleux des temps modernes qu'elle raconte avec une langueur à la fois enveloppante, grisante comme le succès, l'alcool, le chant des sirènes, et menaçante comme le moment d'abandon qui précède le bad trip.
Carmen, un clip bricolé à base d'archives et de clins d'oeil, dans la droite ligne du mémorable Video Games, affaire de collages qui avait précipité sur la Toile l'émergence de Lana Del Rey.
Après l'accueil en demi-teinte réservé à son album Born to Die sorti en janvier 2012, un peu plombé, assez injustement d'ailleurs, par l'ampleur du buzz qui l'a précédé et la multiplication des leaks de morceaux - et ce malgré sa belle facture (lyrics, construction, arrangements, effets vocaux et atmosphère) de monument du sadcore hollywoodien -, Lana Del Rey dévoilait le 21 avril un nouveau clip : celui de Carmen.
Doit-on s'attendre, comme dans le cas de Blue Jeans, à deux vidéos ? Fin février dernier, au moment du tournage du clip de Carmen, Lana Del Rey annonçait qu'elle s'apprêtait à retrouver le Français Yoann Lemoine, alias le petit génie Woodkid, pour le tournage du troisième pan d'une trilogie amorcée par Video Games et Blue Jeans. Or, ce clip patchwork de Carmen n'a rien à voir avec l'esthétisme magistral développé par Woodkid dans les clips de Born to Die et Blue Jeans ; il ne figure d'ailleurs pas dans les "crédits" de tous les "réalisateurs qui ont aidé à faire cette vidéo", cités par Lana dans le post de la vidéo sur YouTube.
La chanteuse américaine de 25 ans adresse également des remerciements spéciaux au mannequin Josh Rachlin ("the sweetheart") qui remplace tout contre elle Bradley Soileau, mâle star des précédents Born To Die et Blue Jeans, pour le clip aux allures de biopic en Super 8. De nombreuses images des archives personnelles de Lana Del Rey, déconcertante de naturel et de personnalité, se mêlent à des emprunts qui entrent en résonance avec le texte de Carmen. Une plongée dans l'univers d'une artiste décidément envoûtante qui s'achève par une séquence de danse embrumée sur une Gymnopédie (la n°1, la plus fameuse) d'Erik Satie. Le comble du calme et de la volupté.
Lana Del Rey, quant à elle, se paye le luxe de continuer à inventer sa mythologie personnelle.
G.J.