C'est dans la liesse, la tradition et l'admiration que les sujets du royaume himalayen du Bhoutan ont célébré le bonheur du roi Jigme Khesar Namgyel Wangchuk, 31 ans, cinquième roi-dragon de "la Terre du Dragon Tonnerre", et accueilli leur nouvelle reine : Jetsun Pema, roturière de 21 ans encore inconnue et mystérieuse il y a quelques mois mais dont l'exceptionnelle beauté et douceur n'a pas tardé à subjuguer les 700 000 Bhoutanais, a épousé le jeune monarque diplômé d'Oxford (relations internationales et sciences politiques) et connu des chroniques du gotha comme "le prince charmant de l'Himalaya". Une étiquette laudative qu'il doit à son physique avantageux et sa popularité sans ombre. Et lui, scellant leur union, l'a couronnée reine, en la forteresse monastique de l'ancienne capitale Punakha, là où lui-même avait été fait roi en 2008.
Un amour au style inédit qui réjouit le royaume
Depuis le 20 mai dernier et l'annonce télévisée par le monarque, depuis le parlement, de son union prochaine, programmée le 13 octobre 2011 (date choisie par un lama en fonction des signes astrologiques des fiancés et de l'alignement des planètes), les sujets du petit pays zen au coeur de l'Himalaya ont pu faire connaissance avec la jeune femme que le souverain avait présentée en "femme de coeur digne de confiance" et "bonne servante de la nation". Le dévoilement de son identité avait donné corps à un véritable conte de fées des temps modernes et eu des répercussions à Sanawar, ancienne école de la demoiselle (de 2006 à 2008) où ont enquêté les médias et où l'effervescence était de mise.
"J'ignore ce qu'en pensent les gens, mais pour moi, c'est elle et personne d'autre", avait déclaré avec assurance le roi Jigme Khesar en évoquant l'élue de son coeur, étudiante à l'Université de Thimpu. Et leurs sorties conjointes lors d'événements officiels ces dernières semaines furent dans la même veine, le roi tenant sa dulcinée par la main, geste inédit dans un pays où le sentiment amoureux ne s'affiche pas en public. Lors d'une rencontre, au mois d'août, du couple avec les élèves du collège-lycée Lungtenzampa par lequel lui-même était passé, le souverain - fan de basket et d'Elvis ! - avaient encouragé les étudiants à ne pas hésiter à déclarer leur flamme. Un signe qui met en évidence l'amour qui anime les deux jeunes gens, mais témoigne aussi, certainement, de la modernisation accélérée du Bhoutan, monarchie absolue devenue parlementaire en 2008 avec l'accession au trône de Jigme Khesar, où une certaine ouverture (l'autorisation de la télévision remonte à... 1999, rappelle l'AFP, soulignant que le pays n'était pas doté de routes ni de monnaie jusqu'aux années 1960) s'épanouit à l'aune du bouddhisme, et se fond dans le respect des traditions immémoriales et un protectionnisme affirmé contre la mondialisation.
Un mariage dans la plus pure tradition, une reine déjà adulée
Le roi dragon (Druk Gyalpo - titre que porte chaque monarque en exercice) Jigme Khesar avait enjoint à son gouvernement de ne pas prévoir de grandes célébrations nationales, privilégiant des noces intimes et conformes aux traditions, ainsi que "le bonheur de son père adoré" (son prédécesseur sur le trône, qui eut quatre épouses) et "les voeux de son peuple". Aux antipodes des noces royales qui ont émaillé l'année, de l'Europe à la Jordanie, le cortège d'invités était ainsi réduit au strict minimum : outre la famille, quelques amis du souverain, rencontrés au cours de ses études à Oxford, aux Etats-Unis ou en Inde, des ambassadeurs, mais pas de chef d'Etat ni de tête couronnée. En revanche, bonzes et écoliers en uniforme étaient pléthore.
Peu après le lever du jour ce jeudi 13 octobre 2011, à partir de 8h20, sa Majesté le roi Jigme a fait son arrivée le premier au Dzong, la forteresse du XVIIe siècle dont les escaliers étaient peuplés de moines vêtus de rouge, devançant Jetsun Pema, apparue du côté opposé et précédée par une longue procession colorée et le son des cymbale et des tambours. Après un rituel de purification, Jetsun Pema s'est vu remettre cinq écharpes de couleurs par son beau-père, le roi King Jigme Singye Wangchuck. Le couple but ensuite "la vie éternelle" dans une coupe d'or. Puis, descendant de son trône d'or, le roi Jigme, devant une statue colossale de Bouddha, a déposé la couronne sur la tête de sa bien-aimée qui s'était au préalable agenouillée devant lui, fille d'un pilote de ligne dont la famille a des liens avec la dynastie royale, qu'il fréquente depuis trois ans (la légende flambant neuve voudrait qu'il l'ait connue lors d'un pique-nique alors qu'elle n'avait que 7 ans...) et avec laquelle il vit depuis huit mois. Le roi regagna ensuite son trône, accompagné par les chants de moines, et la reine vint prendre place sur le trône à son côté.
Après la cérémonie et la bénédiction nuptiale, des spectacles de danse ont eu lieu devant les Bhoutanais présents en tenue traditionnelle (kira - chemisier en soie sur jupe longue - pour les femmes, gho - kimono ceinturé porté avec des chaussettes hautes - pour les hommes). A la sortie du monastère de Punakha, le roi Jigme, radieux et échangeant avec les sujest présents sur le passage du couple, a confié son bonheur aux journalistes, révélant notamment que son épouse et lui avaient une grande passion en commun : leur passion pour l'art. Et, malicieusement, il répondit à un reporter qui lui demandait ce que cela faisait d'être marié : "C'est génial. Vous devriez essayer !"
Les sujets du royaume sont invités à célébrer à nouveau les mariés samedi 15 octobre, termes de trois journées de fête nationale, au stade Changlingmithang de Thimpu, cité médiévale et capitale actuelle du Bhoutan.
Le BIB du Bhoutan explose
La ferveur populaire ne connaît pas le moindre nuage. Le chef de l'opposition parlementaire lui-même a déclaré à l'AFP : "Nous avons un authentique amour pour la monarchie. Notre dévotion pour le roi est très forte parce qu'il sert le pays et son peuple. Il a rencontré presque chaque habitant du royaume, il nous écoute et il se comporte comme nous tous en tenant sa fiancée par la main. Pour tout cela, le peuple lui est reconnaissant." C'est presque une image de patriarche qu'endosse le tout jeune et déjà révéré roi-dragon du petit royaume bouddhiste, où la famille royale au pouvoir depuis 1907.
Le "Bonheur Intérieur Brut", indicateur économico-philosophique unique qui évalue la santé du royaume à l'aune du bien-être de ses sujets, que son père, le bien-aimé quatrième roi-dragon, avait fondé avant d'abdiquer en faveur de son fils et de l'ouverture, a fait un bond superbe, ce jeudi 13 octobre 2011.
G.J.