Ce sont trois jeunes femmes dont le visage est souvent associé à la jolie actrice, mais qui sont aussi, voire surtout, des réalisatrices. Mélanie Laurent, Valérie Donzelli et Maïwenn réalisent leurs premier, deuxième et troisième films, et la rentrée du cinéma français cuvée 2011 sera sans aucun doute marquée de leur empreinte moderne et dynamique.
Hier actrice chez Quentin Tarantino dans Inglourious Basterds, Mélanie Laurent réalise Les Adoptés, un drame sur une famille moderne . Valérie Donzelli, omniprésente sur les écrans cette année - En ville, Belleville Tokyo, Pourquoi tu pleures ? - pourrait représenter la France aux Oscars avec La guerre est déclarée, succès critique et public qui suit le combat de deux parents contre la maladie de leur enfant. Quant à Maïwenn, primée par le jury de Cannes en mai dernier, son Polisse s'annonce comme un carton.
S'il est encore trop tôt pour déviner l'accueil réservé aux Adoptés, ces trois films semblent être en accord avec un souffle féminin, moderne et synchrone, décrypté en quatre points.
Le triomphe
Après plus d'un mois à l'affiche, La guerre est déclarée approche des 800 000 spectateurs. Récemment entré dans la course aux Oscars, le film de Valérie Donzelli est soutenu par une presse dithyrambique. Son premier film, La Reine des pommes, fable décalée sur une fille délaissée et déprimée, avait déjà fait parler de lui. Lancée par cette vague de succès phénoménale, elle tourne actuellement Main dans la main, une comédie dansée avec Valérie Lemercier.
Encensée depuis son premier film, Maïwenn l'a été encore plus avec Polisse. Récompensée à Cannes par Robert de Niro et le prix du jury, elle a fait sensation pendant le festival, et était même pressentie pour la Palme d'or par la presse. Les critiques sont parfois plus nuancées, mais le sujet - moins glauque sur le papier que celui de Valérie Donzelli - et le casting très populaire - Marina Foïs, Karin Viard, JoeyStarr - sont plus vendeurs.
Mélanie Laurent, de son côté, vient tout juste de dévoiler ses Adoptés en ouverture au festival de Saint-Jean-de-Luz. Aucun écho de la presse pour le moment, mais la jeune comédienne est très populaire.
La réalité plus "vraie"
Ce qui ressort d'une expérience comme Polisse ou La guerre est déclarée, c'est un sentiment d'urgence, de spontanéité. La caméra tremble, hésite, s'adapte plus aux émotions des personnages qu'à l'esthétique du cinéma.
Même s'ils sont joués par des acteurs connus, les policiers de la Brigade des Mineurs de Maïwenn semblent plus vrais et plus bruts que d'ordinaire au cinéma. Même chose pour l'hôpital et son personnel filmés dans La guerre est déclarée : ces couloirs et ces blouses sont bien connus du public, mais la fraîcheur des dialogues et des situations leur donne une impulsion presque inédite.
Plus léché et soigné, Les Adoptés démontre l'attachement de Mélanie Laurent au détail. Par ses choix de mise en scène très structurés, l'actrice se pose comme l'antithèse de Valérie Donzelli, mais laisse ses personnages guider le son et l'image, à sa manière.
La brouillage de la réalité
L'histoire derrière La guerre est déclarée rend certainement le film plus poignant encore. Car cette tragédie a été vécue par Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, dont le fils apparaît lors de la scène finale sur la plage, sous forme de victoire ensoleillée. De l'épisode de la cacahuète jetée dans la bouche aux hôpitaux traversés, beaucoup d'élements sont directement empruntés à leur expérience.
Maïwenn se place moins dans une démarche de jeu avec la réalité. Pardonnez-moi et Le bal des actrices interrogeaient clairement le rapport au réel, mais Polisse assume l'aspect cinématographique de ses stars habillées en policiers. Cela dit, la présence de la réalisatrice dans le rôle d'une photographe en pleine immersion dans la Brigade des Mineurs sert évidemment de mise en abyme pour l'actrice, qui a été enquêter sur le terrain pour puiser son inspiration.
De son côté, Mélanie Laurent balaie rapidement la question de l'autobiographie : "Le film n'a aucun rapport avec moi, rien ; j'adore mon père, dont je suis très proche; j'ai un petit frère ; ma mère ne tient pas l'alcool du tout ; je n'ai pas d'enfant et je n'ai passé aucun temps à l'hôpital."
Le double "je" avec l'actrice et réalisatrice
Les trois réalisatrices tiennent un rôle pivot dans leur film. Valérie Donzelli est la plus frontale dans l'exercice puisqu'elle est le coeur de La guerre est déclarée. Son visage et ses grands yeux de poupée perdue servent de repères au spectateur, conscient de voir se mélanger l'actrice, la réalisatrice et la femme.
Plus discrète dans la première partie des Adoptés, Mélanie Laurent reste au premier plan de son film. Comme Judith Godrèche à l'époque de Toutes les filles pleurent, son premier film dans lequel elle jouait aussi, la comédienne comptait rester derrière la caméra : "Je ne voulais pas y jouer. J'avais lu et entendu trop de gens qui avaient à la fois réalisé leur premier long et joué dedans, et qui en sortaient traumatisés ! Mais mon producteurs et nos partenaires m'ont convaincue."
Pour Maïwenn, c'est "une difficulté en plus." L'actrice était en première ligne de Pardonnez-moi, mais au fur et à mesure des films, ses rôles se font plus discret, et laissent l'histoire couler plus naturellement. "Je me suis d'ailleurs beaucoup coupée au montage." Elle est toujours là dans Polisse, mais observe de loin, dans l'ombre.
Trois femmes, trois films, trois grandes surprises.
Polisse sort le 19 octobre. Les Adoptés sortira le 23 novembre. La guerre est déclarée est à l'affiche depuis le 31 août.
Geoffrey Crété