Le premier baiser avait stupéfait le public : saisi en 2002 par un photographe bien inspiré, le premier élan de tendresse entre la princesse héritière Victoria de Suède et le roturier Daniel Westling, son coach personnel de fitness et de quatre ans son aîné, avait matérialisé le début d'une romance qui a dû s'affranchir des préjugés, des clivages et de la méfiance du roi pour s'épanouir et connaître en ce samedi 19 juin 2010 son apothéose : Victoria et Daniel sont désormais unis par les liens sacrés du mariage. Huit ans après le premier, un second baiser, beaucoup plus officiel celui-là, a aujourd'hui enveloppé de tendresse des noces lumineuses.
Dans sa ville natale d'Ockelbo, à quelque 200 kilomètres au nord de Stockholm et depuis laquelle ses parents Olle et Eva étaient venus le voir devenir un époux et... une altesse royale (titrée, par surcroît, duc de Västergötland), Daniel Westling était depuis le début de journée célébré tel un prince qu'il est désormais : une foule nombreuse s'était amassée dès les premières heures du jour dans les jardins Wij à l'occasion d'un petit déjeuner gratuit, afin de partager le bonheur de l'enfant du pays et d'honorer sa fulgurante ascension vers la royauté, entamée lorsqu'il rencontra la fille aînée du couple royal peu après être arrivé à Stockholm et y avoir ouvert une salle de sport de luxe.
Une rencontre qui avait tout pour déplaire souverainement au monarque : il aura fallu que la volonté inexpugnable et l'assurance en son amour de Victoria de Suède, ainsi que la sobriété exemplaire de son bien-aimé, épuisent les réticences de son père, le roi Carl VI Gustaf de Suède. Ce dernier, qui avait choisi de faire de sa fille la future souveraine, en vertu d'un remaniement constitutionnel juste après la naissance de son frère cadet Carl Philip en 1979 (jusqu'alors, les héritiers mâles avaient priorité dans l'ordre de succession), craignait que l'accession du fils d'une employée des postes et d'un travailleur social au rang de prince consort n'affaiblisse un peu plus une monarchie dont l'aura ne cesse de se scléroser - les citoyens suédois, quoiqu'affectivement attachés aux membres de la famille royale, sont de plus en plus nombreux à remettre en question la légitimité de ces monarques vides de pouvoir effectif et dont l'existence coûte plus de 10 millions d'euros par an à ce pays peuplé de 9 millions d'habitants (moins de 50% approuvent le régime, 26% en souhaitent l'abolition). La contradiction profonde est idéologique : les Suédois veulent avoir un couple royal, mais ne veulent pas que cela soit en contradiction avec l'élan démocratique puissant de la nation.
"Merci de m'avoir donné mon prince"
Mais si les républicains avaient organisé, pacifiquement, une "contre-fête", rien n'est venu troubler le déroulement des événements qui ont, in fine, fait de la future reine une épouse. Sursécurisé (avec la présence de 2 300 policiers), surmédiatisé (avec la présence de plus de 2 000 journalistes accrédités et une couverture télévisuelle inédite), et "surglamourisé" (avec la présence époustouflante d'élégance de tout ce que l'Europe - et plus - compte de têtes couronnées), le mariage a été parfait en tous points, depuis la cérémonie poignante en la cathédrale Storkyrkan (l'église Saint-Nicolas, la plus vieille église de la capitale scandinave) jusqu'à l'arrivée pittoresque des jeunes mariés, à bord d'une barge propulsée sur la Baltique par douze galériens, dans les magnifiques jardins au coeur du Palais Royal, sur l'île de la cité (Gamla Stan), terme d'une procession du cortège nuptial à travers la ville. Tandis que près de 500 000 personnes étaient dans les rues de la capitale orné d'or et d'azur, la princesse héritière a tenu à livrer un message tout particulier : "Mes amis, je voudrais remercier tout le peuple suédois de m'avoir donné mon prince".
Ce samedi soir, après un compliment en musique, le banquet nuptial parachève la liesse.
Au fil de ce périple qui n'est que le titre, cousu de fil d'or, de leur histoire à venir, Victoria de Suède, 32 ans, somptueuse dans sa robe munie d'une traîne immense, création Roger Vivier ("Belle de nuit", satin soie blanc et boucle strass) aux pieds et rires savoureux à foison, et Daniel Westling, 36 ans et paré d'une bienveillance touchante, ont affiché un rayonnement et une décontraction contagieuse semblable à celle qu'ils dégageaient lors du début des festivités... Dès le vendredi, les quelque 950 convives prestigieux avaient en effet pu prendre part à un banquet magnifique à l'hôtel de ville puis à un gala animé dont le couple vedette constitua le ravissant bouquet final. Albert II de Monaco et la sculpturale Charlene Wittstock, Mary et Frederik de Danemark, Maxima et Willem-Alexander des Pays-Bas, Letizia et Felipe d'Espagne, Mette-Marit et Haakon de Norvège... : tous ont composé, tout en suprême élégance et en sourire ravi, la toile de fond de ces moments magiques.
Mais en attendant de les passer en revue, telle une haie d'honneur d'un chic absolu, c'est le sourire de Ses Altesses Royales Victoria, une épouse au bonheur si évident, et Daniel, nouveau prince de Suède, que nous vous proposons de savourer.
Guillaume Joffroy