Après la mort de Bruno Cremer, puis le décès d'Alain Corneau, le cinéma français est une nouvelle fois en deuil. Hier, l'immense Claude Chabrol nous a quittés à son tour, des suites d'un cancer généralisé fulgurant, à l'âge de 80 ans.
Depuis, les hommages n'ont cessé d'être formulés au sujet du mythique cinéaste français, à qui l'on doit notamment des oeuvres majeures comme La femme infidèle, Les liens du sang, Violette Nozière, Madame Bovary ou La cérémonie.
Ainsi, Gérard Depardieu, qui aura tourné dans le dernier film du réalisateur - Bellamy - a déclaré : "Claude était la joie de vivre même, je n'arrive pas à imaginer qu'il soit parti, à aucun moment il ne parlait de la mort."
Thierry Frémeaux, directeur du Festival de Cannes, est encore sous le choc de cette terrible nouvelle : "C'est un peu comme un coup de tonnerre, parce que Claude Chabrol avait 80 ans, mais continuait à travailler, et l'énergie et sa joie de vivre donnaient le sentiment qu'il était là pour toujours. Je crois qu'on retiendra son amour des acteurs. C'est quelqu'un qui est identifié à plein de générations d'acteurs."
Serge Toubiana, ancien rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma et directeur de la Cinémathèque Française, qui lui rendra un hommage appuyé : "C'est le cinéaste français qui a fait le plus grand nombre de film depuis 1957-58. C'est surtout une oeuvre d'une cohérence incroyable, j'aime énormément les films de Chabrol. C'est une oeuvre incroyablement forte."
L'ancien ministre de la Culture Jack Lang a confié pour sa part : "Nul mieux que lui a su, sur un mode décapant et parfois féroce, mettre en scène l'hypocrisie et la veulerie d'une certaine bourgeoisie."
L'actuel ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a déclaré : "Claude Chabrol était un analyste subtil, drôle et féroce de la société et de ses travers, doué d'un regard à la fois malicieux et foudroyant. Il était l'anticonformiste par excellence, un maître de l'ironie. Chacun de ses films jusqu'au plus récents, marqués par une extraordinaire jeunesse et une absolue liberté de ton."
Martine Aubry, première secrétaire du PS : "Chabrol faisait partie de mon quotidien comme de celui de beaucoup de Français : on attendait chaque année "le Chabrol" comme la promesse de poursuivre cette discussion avec le cinéma."
Le comédien Clovis Cornillac, dirigé par Claude dans Bellamy, y est également allé de son hommage : "J'ai l'impression que l'on perd, au-delà d'un réalisateur qui a sacrément compté, surtout un camarade, un très très bon camarade, un érudit, rigolo, pointu, qui à mon avis, pour tous ceux qui l'ont croisé, aura beaucoup compté. Ça fait chier quoi !"
François Fillon, notre Premier ministre : "Il était l'une des grandes figures de la Nouvelle Vague, qui révolutionna le style et les techniques du cinéma et inventa l'image du vécu, du vrai, de l'indiscret et du subtil."
Le président Nicolas Sarkozy a également honoré le cinéaste : "Claude Chabrol était un grand auteur et un grand cinéaste. Il tenait de Balzac pour la finesse de sa peinture sociale. Il tenait de Rabelais pour son humour et sûrement aussi pour sa corpulence, mais il était surtout lui-même dans ses films comme dans sa vie. Et je suis certain qu'il manquera beaucoup à chacun."
Le réalisateur Claude Lelouch, qui nous proposera le 15 septembre Ces amours-là : "Je fête mes 50 ans de cinéma, et pendant 50 ans, Chabrol et moi on a voyagé côte à côte. Il y avait toujours un film de Chabrol quand je sortais un film, on a été à la fois amis et concurrents. Pour moi, c'est l'aventure de la Nouvelle Vague. Il représente à la fois une révolution et une tradition. Une fois qu'il a été consacré, il est revenu à un cinéma de tradition et c'est tout à son honneur, il a peut-être fait ses plus beaux films quand il respectait les comédiens et surtout les histoires qu'il racontait. Je pense qu'aujourd'hui, c'est lui qui doit avoir le plus d'humour sur sa disparition. Il mettait l'humour au coeur de tous ses films."
Philippe Bouvard : "Une de ses facettes, et pas la plus négligeable, était d'être le cinéaste le plus gourmand, le plus gourmet et le plus épicurien. Il se vantait d'ailleurs de n'organiser ses tournages en province qu'en fonction des bonnes tables qu'on pouvait y trouver."
Le maire de Paris Bertrand Delanoë : "Avec lui disparait l'inventeur d'un cinéma inspiré, foisonnant et profondément humain. A travers Madame Bovary, Landru ou encore La Cérémonie, Claude Chabrol a produit une oeuvre immense, particulièrement originale, qui se dresse aujourd'hui comme un monument du cinéma français."
Jean-Marie Le Pen, président du FN, qui était sur les bancs de l'école avec le cinéaste : "J'éprouve une grande tristesse. La vie nous avait séparés mais je gardais, et lui aussi je crois, un souvenir attendri de nos années de jeunesse. Claude avait été membre du Comité de la Corpo de droit que je présidais. Il était déjà fou de cinéma et nous entraînait au détriment de nos cours de droit, tous les matins au cinéma Le Paris pour voir les films qui allaient sortir et dont nous discutions à perte de vue à la sortie."
Enfin, l'actrice fétiche de la deuxième moitié de sa carrière, Isabelle Huppert : "Il a représenté mes débuts, en tout cas mes quasi-débuts particulièrement significatifs et un futur qui n'en est désormais plus un, on se serait rencontrés encore beaucoup de fois, je pense. De film en film, j'étais devenue une sorte de double de lui, de sa pensée, de ce qu'il avait envie d'exprimer, il ne me l'a jamais demandé plus clairement qu'en me redemandant à chaque fois de faire des films pour lui. Il avait en lui un mélange de froideur, souvent de drôlerie, une qualité d'observation. Il m'a filmée un peu comme si j'étais sa fille, il ne m'a pas filmée comme un objet de désir, ce qui façonne parfois une relation entre un metteur en scène et son actrice. Ce que je retiens, c'était une forme d'humanisme. Il avait les apparences de quelqu'un de simple, il en avait les apparences, mais il y avait quelque chose d'opaque, des mystères. C'était un grand sujet de plaisanteries entre nous, il disait qu'il n'avait pas d'ego."
Adam Ikx