Mort de Patrice Chéreau : La peine d'Isabelle Adjani et d'Isabelle Huppert

La mort de Patrice Chéreau ce 7 octobre a bouleversé le monde du spectacle, entraînant une pluie continue d'hommages. Le président de la République François Hollande n'a pas tardé à saluer l'un des plus grands artistes français, tandis que tout le théâtre et ses amateurs pleurent la mort d'un homme illustre, infiniment passionné. Pour le cinéma, il réalisera dix films, sans compter un film collectif (Contre l'oubli). Parmi ces longs métrages, deux sortent du lot : La Reine Margot et Gabrielle, portés par deux Isabelle, Adjani et Huppert. Ces actrices ont pris la parole, par la plume ou par la voix, pour rendre hommage à l'homme qu'il était.

C'est dans Le Monde qu'est publiée la lettre d'Isabelle Adjani pour Patrice Chéreau. Elle était sa Reine Margot, héroïne d'un film historique flamboyant et puissant, qui plonge le spectateur dans le massacre de la Saint-Barthélémy. Elle obtiendra avec ce rôle son quatrième et avant-dernier César et marquera les esprits avec sa robe tâchée de sang et son regard.

"Réagir après son décès, rendre hommage à ce mort... N'est-ce pas trop de présences manifestes soudaines, n'est-ce pas le déranger, lui, Patrice Chéreau. [...] Son regard, un des plus pénétrants que j'aie jamais croisés, et parfois si dur ou douloureux, m'hypnotisait, m'effrayait lorsqu'il dirigeait, alors qu'il me troublait et m'émouvait dans la vie. [...] Mon lien pour l'éternité avec Patrice Chéreau est La Reine Margot. Nous sommes tous en train de mourir et de nous en aller un peu chaque jour... Ses actrices le savent, le sentent... Valeria Bruni-Tedeschi, pour moi, sa divine muse, Dominique Blanc incandescente dans la Phèdre que j'ai désertée, et Anouk Grinberg, irrésistible dans Le Temps et la Chambre, de Botho Strauss, où je ne suis pas entrée... Pardon, Patrice, je ne me suis pas rendue à ces deux rendez-vous que tu m'avais offerts car je te croyais éternel."

Isabelle Huppert, qui avait joué avec Chéreau dans Le Temps du loup, sera sa Gabrielle en 2005, adaptation de la nouvelle de Joseph Conrad. Un film en costumes mais pas une fresque cette fois, le portrait intime d'un couple qui ne manque pas d'éclat. Interrogée par le Figaro alors qu'elle était à New York, la comédienne, en pleurs, a déclaré : "Il avait une manière de pousser l'acteur très loin, il pouvait donner le sentiment qu'on travaillait pour la première fois. De lui viennent mes premières émotions de spectatrice (Richard II, La Dispute, ses opéras, ses films...). Il était enfantin et d'une certaine manière généreux. Il avait une intelligence, une vivacité, une conviction, une envie permanente."