Patrice Chéreau est mort. Le réalisateur et metteur en scène français, à qui l'on doit notamment de nombreuses pièces de théâtre ou des films multi-récompensés, est décédé ce lundi 7 octobre selon une information de Libération. Il a succombé à un cancer du poumon, il était âgé de 68 ans.
Né le 2 novembre 1944, Patrice Chéreau voit sa jeunesse bercée par les arts. Fils d'un couple de peintres, le jeune garçon égrène déjà les expositions, galeries d'arts et autres spectacles. Il n'y a donc aucune surprise à le voir monter sur les planches dès lors qu'il rentre au lycée et s'inscrit dans la troupe de théâtre. Passionné, Patrice Chéreau ne veut pas (seulement) jouer, la mise en scène, comme les costumes, l'attirent.
Nul doute que ce sont des talents qu'il mettra de nombreuses années plus tard au service de son film-phare, La Reine Margot (Prix du jury et Prix d'interprétation féminine pour Virna Lisi à Cannes) en 1994. Une grande fresque historique prenant place autour du célèbre massacre de la Saint-Barthélémy, où Patrice Chéreau sublime la grande Isabelle Adjani dans le rôle-titre, face à Daniel Auteuil, Jean-Hugues Anglade ou encore Julien Rassam, le frère de Thomas Langmann. Non content d'avoir triomphé sur la Croisette, Patrice Chéreau et son film remportent 5 César, dont un pour son actrice principale.
Trois ans plus tard, il poursuit avec Ceux qui m'aiment prendront le train, où il remporte trois César et surtout celui du meilleur réalisateur qui lui avait échappé avec La Reine Margot.
Opéra, théâtre et cinéma
Mais Patrice Chéreau, avant d'être un réalisateur pour le cinéma, s'est fait un nom dans le monde du théâtre. Scénariste, acteur et metteur en scène, Patrice Chéreau débuta sa carrière par le théâtre politique (du haut de ses 22 ans à la tête du Théâtre de Sartrouville, il adapte déjà Labiche ou Marivaux), après avoir suivi des études de lettres classiques. Alors que Milan lui fait les yeux doux au Piccolo Teatro, Patrice Chéreau fait fureur chez les amoureux de théâtre classique, notamment lorsque l'audacieux et inspiré créateur qu'il est, s'offre consécutivement Shakespeare et Molière. Son arme de séduction : les décors. Une attache toute particulière que Chéreau ne quittera jamais tout du long de sa carrière.
Fou d'opéra, il était également connu pour sa mise en scène grandiose de la Tétralogie de Wagner à Bayreuth, avec Pierre Boulez en 1976, avant que le duo ne se distingue à nouveau dans la foulée avec l'Anneau du Nibelung, pour un triomphe international. Deux ans auparavant, Patrice Chéreau se lançait dans le cinéma, avec une nouvelle adaptation (James Hadley Chase) pour le film La Chair de l'orchidée. Pris par l'opéra, il en revient quatre ans plus tard, avec Simone Signoret , pour Judith Therpauve.
Preuve que théâtre et cinéma sont intimement liés dans la carrière de Patrice Chéreau, ce dernier réalise Hôtel de France où il dirige la jeune génération de comédiens formés aux Amandiers, théâtre de Nanterre qu'il dirigea de 1982 à 1990. Agnès Jaoui, Vincent Perez ou encore Valeria Bruni-Tedeschi sont de cette génération dorée qui doit beaucoup au brio de Patrice Chéreau. C'est également dans cette période que l'on voit l'acteur s'illustrer devant la caméra, notamment dans le rôle de Napoléon et le film Adieu Bonaparte, de Youssef Chahine. Chéreau fera également quelques apparitions dans Le Dernier des Mohicans (Michael Mann, 1992), Lucie Aubrac (Claude Berri, 1997) ou encore Au plus près du paradis (Tonie Marshall, 2002)
Dans les années 2000, Chéreau continue de glaner des prix, notamment avec Intimité qui remporte l'Ours d'or à Berlin en 2001, ou encore le film à costumes Gabrielle, avec Isabelle Huppert, qui remporte notamment un César du meilleur décor. En 2003, il est président du jury au Festival de Cannes, alors qu'en 2006, on lui confie la Fémis avant qu'il ne la quitte à contre-coeur quelques mois plus tard, au profit du regretté Claude Miller. En 2009, il réalise son ultime long métrage, le dérangeant Persécution, avec notamment Romain Duris, Charlotte Gainsbourg et Jean-Hugues Anglade. C'est pour le théâtre, son premier amour, que Patrice Chéreau s'impliquera finalement jusqu'à son dernier souffle.