Janvier continue sa grande rafle funeste. Après avoir pris à l'Italie l'acteur Franco Citti, comédien fétiche de Pasolini, la mort a fauché l'un des derniers grands maîtres du cinéma italien, le réalisateur Ettore Scola. Le cinéaste, âgé de 84 ans, est décédé mardi à Rome. Il avait été admis au service de chirurgie cardiaque de la polyclinique romaine, et était dans le coma depuis dimanche, selon plusieurs sources italiennes.
Auteur de films cultes tels que Une journée particulière ou Nous nous sommes tant aimés, Scola avait fait de la comédie son arme fatale. Révélé au début des années 1970 avec Drame de la jalousie, long métrage qui offrit à Marcello Mastroianni un Prix d'interprétation à Cannes, Scola devient un incontournable en 1974 avec l'émouvant Nous nous sommes tant aimés, hommage vibrant à son ami Vittorio de Sica, avec Vittorio Gassman en vedette. Le fils de ce dernier, Alessandro, lâchera d'ailleurs sur Twitter un sans équivoque "Ciao Ettore, nous t'avons tant aimé" en guise d'hommage.
Il poursuit avec Affreux, sales et méchants, récompensé d'un Prix de la mise en scène à Cannes, puis avec Une journée particulière, dans lequel il retrouve Mastroianni et dirige la sublime Sophia Loren, ou l'histoire devenue célèbre d'une rencontre entre une femme au foyer et un intellectuel homosexuel, au moment où tout Rome assiste à une autre rencontre, plus capitale, celle de Mussolini et d'Hitler. Amateur de la satire, Scola va ensuite briller avec La Terrasse, mais également en France avec Le Bal, une production en costumes et musicale qui retrace cinquante ans de danse de salon en France, depuis les années 1930. Imparable, Scola s'offre un Ours d'argent à Berlin et trois César, dont celui de meilleur réalisateur. Le cinéma français, son deuxième d'adoption, le verra notamment tourner avec Emmanuelle Béart (Le Voyage du capitaine Fracasse) ou bien Fanny Ardant (La Famille).
Une source inépuisable d'inspiration et de fraternité
En 2013, Ettore Scola a tiré sa révérence avec un film à moitié documentaire, consacré à son amitié avec Federico Fellini, et intitulé Qu'il est étrange de s'appeler Federico. Il laisse derrière lui plus de 50 ans d'une riche et foisonnante carrière. L'actrice Stefania Sandrelli, à qui il a offert l'un de ses plus grands rôles avec Nous nous sommes tant aimés, a fait part de son immense tristesse. "Si je devais choisir un mot entre tous, ce serait 'nous'. Il m'a transmis la magie de faire les choses ensemble, et quelles choses nous avons fait ensemble, quels films !"
La mort d'Ettore Scola a suscité une multitude d'hommages, notamment de la part du chef du gouvernement italien Matteo Renzi, qui a salué ce "maître dans l'art d'observer avec acuité l'Italie, sa société et ses changements" alors que le ministre italien de la Culture, Dario Franceschini, évoquait sur Twitter un "grand maître, un homme extraordinaire, resté jeune jusqu'au dernier jour de sa vie". En France, la peine est aussi immense. "Le dernier de la grande lignée de ce cinéma italien qu'on a tant aimé... Arrivederci...signore", a notamment écrit Patrick Bruel, pendant que le dessinateur et réalisateur Joann Sfar saluait "une source inépuisable d'inspiration et de fraternité humaine".
Également père de famille, Ettora Scola avait vu ses deux filles Paola et Silvia réaliser en 2015 un documentaire sur lui, intitulé En riant et en plaisantant. Peut-être le plus bel hommage en guise d'au revoir.