Alors que l'Afrique du Sud s'apprête à perdre son héros Nelson Mandela, le pays s'est peut-être trouvé une nouvelle héroïne : Graça Machel. Discrète mais présente nuit et jour pour veiller sur son époux, malade et hospitalisé depuis plusieurs semaines dans un état grave, l'épouse de l'ancien président a définitivement su se faire une place dans le coeur des Sud-Africains. Une histoire d'amour qui était pourtant loin d'être écrite d'avance...
L'Afrique du Sud est donc en train de se découvrir une toute nouvelle affection pour Graça Machel, qui n'a quitté que quelques heures l'hôpital de Pretoria. Même si sa parole est rare, l'épouse de l'ex-président, âgée de 67 ans, sait toujours réchauffer les coeurs du peuple sud-africain lorsqu'elle évoque son époux Nelson Mandela, dans un état "critique" depuis son hospitalisation le 8 juin dernier. Jeudi 4 juillet, elle a ainsi publiquement pris la parole pour préciser que son mari n'avait que "très peu souffert" et remercier une nouvelle fois le peuple sud-africain pour son soutien. "Merci, merci, merci (...) pour vos démonstrations d'amour et de soutien", a déclaré celle qui voyait déjà "l'étincelle" de son mari "s'éteindre peu à peu" en décembre dernier.
Dans un contexte des plus tendus, la retenue de Graça Machel plaît énormément en Afrique du Sud, qui s'est prise d'affection pour elle. Critiques d'un ex-garde du corps, bataille judiciaire entre membres de la famille autour de la sépulture de Nelson Mandela... L'épouse de l'icône nationale se tient à l'écart et tente de réconcilier, comme Madiba. "Tant qu'il est à l'hôpital, il nous permet d'être à nouveau tous unis", a-t-elle ainsi lancé dans un message d'unité en harmonie avec les idéaux de son mari, emblème de la lutte contre l'apartheid et fédérateur d'une Afrique du Sud fortement divisée entre Noirs et Blancs.
C'est ainsi que Graça Machel a eu droit à un article dithyrambique en une du journal City Press, dimanche 7 juillet. Titré "la veillée d'amour de Graça", le papier a trouvé un véritable écho sur les réseaux sociaux et notamment Twitter. "Beaucoup de gens déçoivent, quelques-uns épatent", a notamment écrit un internaute, Maaza, cité par l'AFP. "Les Sud-Africains ont une grande dette envers Graça Machel", a même déclaré Desmond Tutu, prix Nobel de la Paix, au journal. Elle n'a pas seulement apporté de la joie à Madiba, elle a aussi essayé très fort de garder la famille Mandela unie."
Et pourtant, l'histoire d'amour entre Graça Machel et le peuple sud-africain était au départ loin d'être écrite. Mozambicaine et veuve de Samora Machel, ancien président du pays, cette brillante diplômée en droit et ancienne ministre est d'abord accueillie avec scepticisme et méfiance par l'Afrique du Sud lorsqu'elle arrive dans la vie du héros Nelson Mandela, divorcé pour la deuxième fois, en 1996, de Winnie Madikizela. "Très, très seuls" comme elle le raconte, les deux amis s'affichent de plus en plus ensemble avant de se marier en 1998. L'heureux couple évoque alors "le merveilleux sentiment d'être amoureux" lors des 80 ans de Madiba.
Mais Graça Machel va vite séduire et dissiper les doutes, faisant d'abord preuve d'une grande indépendance en gardant le nom de son premier époux, et militant brillamment pour le droit des femmes et des enfants. En femme indépendante et de caractère, Graça Machel n'a également jamais hésité à se tenir à l'écart de l'idolâtrie entourant Nelson Mandela, expliquant régulièrement qu'il n'était pas "un saint" et qu'il avait "ses faiblesses". Courageuse (elle sait même démonter un fusil d'assaut selon la presse locale), Graça Machel sait aussi se battre pour son époux et a ainsi rejoint une action en justice contre le petit-fils de Nelson Mandela pour que les dépouilles familiales des trois enfants de Madiba décédés en 1948, 1965 et 2005 reviennent à Qunu, où il veut être enterré.
Assise dans un fauteuil où elle passe ses nuits auprès son cher époux, de 27 ans son aîné, Graça Machel accompagnera jusqu'au bout Nelson Mandela, placé sous assistance respiratoire et dans un "état végétatif" selon un document de justice datant de la semaine dernière. Avant de reprendre le flambeau de la réconciliation, lorsque la flamme de Madiba s'éteindra...