La tension a augmenté d'un cran au quatrième jour du procès d'Oscar Pistorius. Mercredi, le duel entre l'avocat de l'athlète, accusé du meurtre de sa petite amie Reeva Steenkamp, et la défense s'est intensifié encore un peu plus devant les caméras. Toujours plus agressif, Me Barry Roux a tenté par tout les moyens de déstabiliser Charl Johnson, un voisin habitant à moins de 200 mètres du domicile du sprinteur, et son épouse Michelle Burger...
Des appels malveillants
Pour se faire, l'avocat d'Oscar Pistorius, qui soutient avoir cru à l'intrusion de cambrioleurs, est prêt à tout, même aux coups bas. Alors que le procès est retransmis en direct à la télévision, ce dernier s'est par exemple permis... de donner le numéro de téléphone de Charl Johnson à haute voix. Résultat, l'informaticien, déjà plutôt embarrassé de se retrouver au coeur d'un tel procès médiatisé, s'est plaint d'avoir reçu des appels malveillants, alors qu'il était confiné dans une pièce du tribunal en attendant de comparaître à la barre. "Pourquoi vous mentez au tribunal. Nous savons qu'Oscar n'a pas tué Reeva, ce n'est pas cool, allez mec", lui aurait-on dit au téléphone avant que la personne au bout du fil ajoute "quelque chose d'intimidant".
Sans réaction, la juge Thokozile Masipa n'a pas semblé gênée lorsque l'avocat d'Oscar Pistorius a donné le numéro de téléphone. Toujours est-il que cette fuite fait entièrement partie de sa tactique de déstabilisation. Car le témoignage-clé de ce voisin irrite au plus haut point et contredit la version de l'avocat. L'informaticien raconte depuis le deuxième jour du procès comment il a été brutalement tiré de son lit par les hurlements d'une femme la nuit du drame, le 14 février 2013, puis par des coups de feu avant d'aller voir de son balcon ce qu'il se passait.
Un procès qui tourne au duel
Une version que Me Barry Roux a tenté de mettre à mal pendant le procès, livrant un véritable duel avec Charl Johnson, essayant tout pour l'intimider, en vain, quitte à basculer dans le mépris et la provocation. L'avocat a même sous-entendu que l'informaticien et son épouse s'étaient concertés pour accabler son client.
Le lendemain, Me Barry Roux est donc revenu à la charge encore un peu plus fort pour faire craquer Charl Johnson. "Vous avez reconstruit l'histoire pour charger l'accusé !", a-t-il lancé avant de soutenir que l'informaticien avait cru à des coups de feu alors qu'il s'agissait du bruit de la batte de cricket que Pistorius a utilisée pour défoncer la porte des toilettes, après avoir abattu sa petite amie qui y était enfermée, et que les cris poussées étaient ceux de l'athlète lui-même "dont la voix peut être aiguë" sous l'emprise de la panique.
C'était sans compter sur la répartie et le calme olympien de l'informaticien. "J'ai des sens bien aiguisés", a-t-il simplement rétorqué. Croyant le piéger, l'avocat a alors rappelé qu'il avait admis ne pas avoir compté les coups de feu : "Est-ce là une démonstration de vos sens aiguisés ?", a-t-il ironisé. Sans toutefois perturber Charl Johnson. "Puis-je rappeler à Me Roux que les sens sont la vue, l'odorat, le toucher, le goût et l'audition, et que je ne les utilise pas pour compter...", a répondu l'informaticien à l'avocat, mouché, avant d'expliquer que, dans cette banlieue à l'extérieur de Pretoria proche d'une réserve animalière, le son se propage parfaitement bien la nuit. "Parfois avec mon épouse, nous entendons les jappements des chacals dans la réserve", a-t-il précisé devant un avocat au bord du KO.
L'avocat bousculé par un boxeur
Malheureusement pour Me Barry Roux, il va devoir taper un peu plus fort pour déstabiliser les témoins. Car Charl Johnson et son épouse ne sont pas les seuls voisins à avoir entendu des cris de femme et des coups de feu, puisqu'un autre habitant du coin est venu à la barre pour faire un récit similaire. Johann Stipp, médecin radiologue, s'est rendu lui-même sur les lieux du drame quelques minutes après l'arrivée des vigiles de la résidence, pour voir s'il pouvait apporter de l'aide. Il a confirmé que Reeva Steenkamp agonisait lorsqu'il l'a vue, mais n'était pas encore morte. "La première chose qu'Oscar a dite (...) c'est "j'ai tiré sur elle. J'ai cru que c'était un cambrioleur, j'ai tiré sur elle"", a-t-il raconté.
Un témoignage qui coïncide aussi avec celui d'Estelle van der Merwe, car, la veille, celle-ci avait elle aussi affirmé avoir entendu des coups de feu et des cris de femme. Un coup dur de plus pour la défense qui a déjà dû encaisser le récit troublant d'un ancien ami boxeur d'Oscar Pistorius. Kevin Lerena a ainsi raconté comment, en janvier 2013, lors d'un repas amical à quatre dans un restaurant de Johannesburg, un coup de feu est parti inopinément, tiré par Pistorius avec l'arme d'un ami, et qui a manqué de l'estropier. L'athlète, devenu selon lui obsédé par les armes, avait alors demandé à un de ses amis de porter le chapeau à sa place, à cause "des médias à ses trousses".
Oscar Pistorius effondré dans son box
La tension a toutefois fini par retomber. Cette quatrième journée de procès s'est en effet terminée avec la diffusion par le procureur de plusieurs photos. Ce dernier a décrit le corps de Reeva Steenkamp tel qu'il fut retrouvé par la police, un moment apparemment difficile pour Oscar Pistorius. Assis, effondré tête baissée dans son box, l'accusé a posé ses mains sur oreilles pour ne pas entendre. Et cela ne risque pas de s'arrêter...