Célèbre dans le monde entier grâce à ses tubes disco Où sont les femmes ? (1977) et I Love America (1978), Patrick Juvet a connu tous les excès du métier : l'argent à ne plus savoir qu'en faire, les fans en délire, l'alcool, la drogue et une traversée, terrible, du désert - le genre durant laquelle les maisons de disques prétendent ne plus vous connaître. Âgé de 63 ans, sobre depuis vingt ans, Patrick Juvet revient sur ses années folles dans une interview touchante accordée au magazine Sept à huit.
Dimanche 27 juillet, Harry Roselmack proposait à ses téléspectateurs un entretien inédit de Patrick Juvet réalisé, évidemment, par Thierry Demaizière. Le chanteur se souvient de ses succès disco dont on lui parle encore dans la rue. Il se souvient aussi de ses années "buvette" quand il faisait la fête jusqu'au lendemain midi avec Serge Gainsbourg jusqu'à ce que Jane Birkin vienne le chercher. "La pauvre, elle n'était pas toujours bien reçue", se souvient l'interprète de La Musica. Le drame de Patrick Juvet, c'est de tenir l'alcool plus que quiconque dans son entourage. Il n'a jamais eu de trous noirs. Son cas bien sûr s'aggrave : "Parce que j'avais l'avion à 7h du matin pour aller dans un autre pays, j'étais obligé de carburer. Et puis, les maisons de disques vous mettaient un cachet dans votre whisky juste avant une télé pour être plus efficace. C'était des décontractants, ça plus l'alcool vous faisiez l'amour à un tronc d'arbre."
Un appel à Renaud
Son alcoolisme devient si grave que le chanteur boit presque 24 heures sur 24. Et, avec la fin du disco, le visage abîmé, Patrick Juvet s'est retrouvé sans contrat, sans rien. "J'étais bouffi, les maisons de disques ne voulaient pas de moi. Les cures ne servaient à rien. (...) L'alcool a pris dix ans de ma vie. C'est pas mal, surtout que c'était le moment où j'étais le plus haut." La carrière au point mort, presque du jour au lendemain, le Suisse pense au pire : "Je voulais mourir, je vous le dis honnêtement. Je me suis dit, je vais continuer à boire, comme ça je m'en irai." Patrick Juvet nous dit tout ça avec beaucoup de calme, de recul. L'armure se fend quand Thierry Demaizière évoque la santé de Renaud. Visiblement très ému, retenant ses larmes, Patrick lui répond : "J'aimerais tellement lui dire que je suis passé exactement là où il est. Et que s'il veut qu'on parle, je suis là."
Le chanteur ne boit plus depuis vingt ans. Le temps a passé, les traits ont changé. Patrick Juvet confie en riant : "Dans ma tête j'ai toujours 20 ans. Dans le miroir... Le pire, c'est que je me suis fait opérer des yeux pour ne plus porter de lunettes. Le premier jour, ma pire angoisse, c'était de voir ma gueule. Je me suis dit, mais c'est pas vrai. Je ne me voyais pas comme ça puisque je me voyais toujours trouble."
Après avoir participé à la croisière Âge tendre et tête de bois, Patrick Juvet chantera tout l'été dans les fêtes de village. Il ne cache pas qu'il rechigne parfois à sortir de chez lui pour devoir chanter encore les quelques titres qui l'ont rendu célèbre, ses chansons disco comme Le lundi au soleil qu'il avait écrite pour Claude François. Il y a de la lassitude, certes, mais il promet que tant qu'on le lui demandera, il viendra les chanter, ces chansons. Parce que la magie opère : "Dès que je suis sur scène, dès que je vois les gens et l'amour qu'on partage... Je pourrais rester quatre heures", raconte Patrick Juvet, les yeux pétillants : "Qu'est-ce que j'ai fait dans une vie précédente pour recevoir ce cadeau. Parce que c'est un cadeau."