Ce que pense vraiment le prince Charles ? Le public va, à la faveur d'une décision de justice lourde de conséquences, pouvoir le savoir, et il y a fort à parier, quand on connaît la franchise du personnage, que cela ne va pas plaire à tout le monde...
Jeudi 26 mars 2015, la cour suprême a autorisé la publication de lettres adressées en 2004-2005 par l'héritier du trône à sept départements du gouvernement britannique, dans lesquelles le futur roi exprime ses opinions sur des questions politiques. Un sujet ultrasensible attendu que les membres dits "senior" de la famille royale sont censés observer, dans la monarchie parlementaire britannique et selon la Constitution, une stricte neutralité politique.
Le bureau du procureur général avait empêché en 2012 la divulgation, par le très réputé quotidien The Guardian (centre-gauche), de cette correspondance, et la cour suprême devait se prononcer, suite à un recours du journal, sur la légitimité de cette intervention. Elle l'a contestée. "Le gouvernement a gaspillé des milliers de pounds à tenter d'enterrer ces lettres", a fustigé Alan Rusbridger, le rédacteur en chef du Guardian.
Du côté de Clarence House, résidence officielle et secrétariat du prince Charles, cette décision de permettre la publication des "black spider memos" (memos de l'araignée noire, allusion à l'écriture manuscrite du prince de Galles) a évidemment beaucoup contrarié : on se dit "déçu que le principe de confidentialité n'ait pas prévalu". Et du côté du gouvernement de David Cameron, qui se penche maintenant sur "la meilleure manière" de livrer ces documents, on fait part de sa "préoccupation". Exprimant lui aussi sa déception et allant jusqu'à envisager, au risque d'envenimer la situation, une réforme de la loi sur la liberté de l'information concernant le véto gouvernemental (qui avait été utilisé en 2012 pour bloquer la parution, et révoqué par le jugement présent), le Premier ministre a déclaré : "Il s'agit du principe qui veut que les membres senior de la famille royale soient en mesure de donner leur avis au gouvernement en toute confidentialité. Je pense que la plupart des gens seraient d'accord pour dire que c'est plutôt juste."
A propos du contenu de ces lettres envoyées à sept ministres, le chroniqueur royal attitré de la BBC, Peter Hunt, a présumé qu'elles devaient être écrites "dans le style distinctif [du futur roi], avec plein de passages soulignés et de points d'exclamation" : "L'ancien procureur général les a décrites comme particulièrement franches et a dit que leur publication pourrait conduire l'opinion publique à les interpréter comme un désaccord avec la politique gouvernementale de l'époque", rapporte-t-il. Mais il précise aussi que l'entourage du prince Charles, considérant que la teneur de ces missives est plutôt anecdotique, est relativement détendu concernant leur éventuelle divulgation.
Le seul véritable dommage pourrait en fait résider dans l'image que les sujets de Sa Majesté pourraient se faire de celui appeler à régner dans quelques années, alors que beaucoup verraient bien son fils le prince William succéder directement - et très improbablement - à la reine Elizabeth II...